L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte les enjeux de la ville morte décrétée à Kinshasa, le 16 février 2016, apporte un éclairage sur le fonctionnement de l’Etat raté du Congo, à travers le récit de l’arrestation du député Martin Fayulu, rappelle pourquoi l’opposition congolaise fait partie du système qui opprime les congolais et explique pourquoi le Congo est, de fait, une province des Etats-Unis.
Sur la date du 16 février au Congo
Le 16 février est une grande date pour tout notre pays et célébrer la mémoire de ce jour est important. Cette célébration nous évite l’amnésie et nous invite à penser à nos frères et sœurs pour que ces pays là puissent s’émanciper politiquement. En dehors de l’aspect symbolique de la date, il y a des questions que l’on peut se poser. Le 16 février 1992, des congolais sont morts, et la conférence nationale souveraine a été ouverte. Mais voilà que les résultats de cette conférence n’ont pas pu être mis en pratique, de façon à ce que les congolais puissent vivre dans un pays libre et réellement indépendant.
Ville morte, réussie ou pas ? Est-ce qu’il ne faudrait pas aller au-delà de la vidéosphère ? Quel est l’objectif poursuivi ? Le régime et l’opposition font partie d’un même système. Qui est écouté par qui pourquoi faire ? Changer les rapports de force entre les mercenaires qui forment le gouvernement fantôche de Kinshasa et l’opposition qui a été pendant longtemps leur allié, qu’est-ce que cela signifie dans ce contexte ? Est-ce que cela va conduire à la rupture avec le système qui a fait de ces deux là des alliés ?
Si nous mettons notre histoire entre parenthèses, nous n’allons pas comprendre facilement que la fameuse opposition congolaise et la mouvance présidentielle sont deux pièces d’une même monnaie.
Sur les questions autour de cette ville morte
Un sénateur américain ne serait pas intervenu au Congo pour que des pressions soient faites sur la majorité présidentielle de la Kabilie, s’il n’avait pas des preuves que ce pays n’est pas sous la botte anglo-saxonne depuis les années 1960. La véritable révolution à mener est celle qui conduirait à la rupture avec le servilisme et la vassalisation qui ont fait du Congo une néocolonie occidentale et peu de compatriotes luttent pour cette rupture là. Alors, une ville morte pourquoi faire ? Est-ce que cette ville morte nous conduira réellement à la réappropriation historique ? Est-ce que c’est une ville morte qui rentre dans un ensemble d’actions qui pourront faire que demain, le Congo sera réellement un pays souverain ?
Sur l’arrestation de Martin Fayulu
L’arrestation de Fayulu nous aide à comprendre comment le système, auquel Fayulu participe, fonctionne. Le système au sein duquel Martin Fayulu fonctionne est un système d’un Etat manqué. Un Etat manqué est un Etat qui a des institutions formelles mais dont le contenu est vide. Le Congo fonctionne comme une jungle où la pure force règne. Ce n’est pas un système démocratique dans lequel on peut faire prévaloir un statut de député ou de sénateur.
Cet acte montre que la constitution pour laquelle les Martin Fayulu et autres se battent n’est même pas prise en compte par le gouvernement fantôche de Kinshasa. Les Fayulu peuvent être de bonne volonté mais ils évoluent au sein d’un système qu’ils ne remettent pas en cause les véritables fondements.
Sur l’opposition congolaise
L’opposition doit se convertir en une force citoyenne de résistance. Et pour cela, elle doit remettre en question jusqu’aux titres reçus au cours de ce faux processus. Parce que ces titres ne sont même pas respectés. Ce système ne peut conduire le Congo à la démocratie. C’est un système qui fonctionne, comme la mondialisation ultralibérale, sur fond de la logique de cupidité, de mépris, de racisme, de tribalisme. C’est un système de négriers modernes, qui essaient d’avilir tout un peuple, tout un pays.
Sur la répétition de l’histoire
L’histoire chez nous est un éternel recommencement, avec les mêmes acteurs pléniers. C’est cela qui est inquiétant. Ce n’est pas une lutte orchestrée par les congolais eux-mêmes. Les congolais semblent être instrumentalisés pour qu’il y ait une fin de règne mais qui ne profiterait pas d’abord aux congolais, mais d’abord aux tireurs de ficelles. Le Congo n’est pas une île. Regardez comment la Libye a été détruite. Regardez comment la Syrie a été détruite. Parce que les acteurs pléniers ne veulent pas de Bachar El Assad. Le Congo risque d’être davantage détruit, parce qu’on voudrait remplacer Pierre par Paul. Et ce sont ceux qui ont fabriqué Pierre et Paul qui jouent les tireurs de ficelle.
Sur l’Occident et le Congo
Les mises en garde de cet Occident doivent être prises au sérieux. Cet Occident opère par chaos orchestré. Comment opère cet Occident ? D’une part, il fait des déclarations, et d’autre part, il soutient le camp adverse. Pour qu’il y ait réellement confrontation.
C’est cet Occident là qui a fabriqué le système au sein duquel opère Kabila aujourd’hui. Et ceux qu’il déploie comme effort est celui de déshabiller Saint-Paul pour habiller Saint-Pierre. Cet Occident veut demeurer le maître du jeu. C’est à ce niveau là que les congolais qui participent à ce jeu devraient se poser la question : Comment faire pour que le réappropriation de l’initiative historique puisse être congolaise ?
Les congolais sont considérés comme des sous-hommes, il y a une approche méprisante des congolais, parce qu’on n’a jamais vu un pays comme le Congo, où il y a eu plus de 6 millions de morts, et personne ne s’en préoccupe.
Sur Lambert Mendé
Lambert Mende comme son autorité morale, pour avoir été les sous-fifres des Etats-Unis, pour avoir participé à la guerre du FPR et à la guerre du RCD Goma, il ne peut pas aujourd’hui prétendre nous dire qu’ils ne sont pas au service des Etats-Unis. Parce qu’ils doivent être censés savoir que la guerre que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, par l’intermédiaire des proxys rwandais, burundais et ougandais, ont mené au Congo, était pour que les USA fassent du Congo leur province. Les Etats-Unis agissent comme un empire. Le Congo est de fait une province des USA.
Qui a le plus de multinationales au Congo ? Ce sont les USA. Qui a confectionné le code minier auquel le gouvernement fantôche n’a pas voulu toucher ? La banque mondiale. Les lois économiques du Congo sont dictées de l’extérieur. Ceux qui sont aux affaires sont fabriqués par l’extérieur. La plupart des partis politiques sont coachés par les américains. Comment prétendre, avec ces éléments, ne pas être dirigés de l’extérieur et que vous n’êtes pas une province des USA?