Par Jean-Pierre Mbelu
La montée du capitalisme du désastre a créé de nouvelles « tribus » et « ethnies » en réussissant, chez nous, à faire de « nouveaux prédateurs » et de « vieux dinosaures » les membres à part entière du réseau transnational du vol et de la mort. Dans cette nouvelle configuration du monde, les liens traditionnels sont devenus parasitaires aux dépens des masses ignorantes et des « esprits faibles » , individualistes et cupides.
Les lecteurs de La Libre Belgique du 1er février 2013 sont tombés sur un titre mis en exergue sur la couverture : « ‘’Joseph Kabila est un président faible et lié’’. C’est l’analyse du politologue Jean Omasombo. » Au premier petit point de l’article intitulé « Contraintes », Marie-France Cros commentant l’analyse de Jean Omasombo en reproduit un extrait et écrit: « Joseph Kabila n’est pas seulement un président faible parce que mal élu, il est aussi prisonnier de réseaux parce que, pour obtenir des voix, il s’est lié à plusieurs groupes de pression. » Mais en lisant toute l’analyse, un constat se dégage : « Joseph Kabila n’a pas été élu. Il a acheté quelques voix des Congolais(es) influencé(es) par quelques « minorités négatives » congolaises avides d’argent. L’article en parle en se limitant aux Luba du Katanga, à quelques compatriotes de Maniema, à Christophe Lutundula et Aubin Minanu. C’est peut-être l’une de ses limites.
Affirmer que Joseph Kabila est « prisonnier de réseaux » et se limiter à un petit échantillon de « petits réseaux » intérieurs peut induire les lecteurs en erreur. A la publication du rapport des experts de l’ONU (Kassem de 2002), il était déjà question de réseau d’élites de prédation auquel plusieurs membres de l’AFDL et leurs amis des pays voisins appartenaient. Ce réseau est transnational. Il n’est pas que local ou national. Situer ce réseau au niveau transnational permet d’étendre l’étude de « la question Kabila » au niveau plus général du fonctionnement des stratégies de choc liées à la montée du capitalisme du désastre.
Plusieurs d’entre nous, en effet, ont fini par oublier que Joseph Kabila est devenu « président de fait » du Congo après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila le 16 janvier 2001. Il est celui à qui cet assassinat a directement profité. (Et quand, l’un des proches de Paul Kagame, Théogène Rudasingwa, décide de dire sa vérité sur l’histoire collective de la sous-région des Grands Lacs, il soutient que c’est Paul Kagame qui a orchestré l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila.) Cette « présidence de fait » sera « rachetée » par l’Union Européenne en 2006 moyennant « un deal » : que Joseph Kabila ne puisse jamais dénoncer Paul Kagame au sujet de ses entreprises de pillage et de la mort chez nous. (En 2011, il va se débrouiller avec l’argent accumulé au Congo et le soutien de ses parrains que l’article d’Arnaud Zajtman met à nu dans son article intitulé « il est minuit moins une à Kinshasa ».)
Le dernier livre de Charles Onana[1] est venu jeter suffisamment de lumière sur ce qui est désormais devenu un secret de polichinelle. (Supposons que ce journaliste d’investigation ait comporté des mensonges, pourquoi une institution aussi « prestigieuse » que l’Union Européenne ne l’a-t-il pas traduit en justice ?)
Pourquoi « le deal » entre Kagame et Kabila? La RD Congo devait, de gré ou de force, être ouverte au néolibéralisme, sans considération aucune des coûts sociaux et humains. L’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, « le double génocide rwandais » et « le génocide silencieux des Congolais » rentrent dans les coûts humains et sociaux que le capitalisme du désastre avide de profit maximal ne comptabilise jamais[2]. Les chocs par la guerre permanente, par les assassinats, par les massacres des paisibles citoyens, des journalistes, des opposants politiques participent du fonctionnement du capitalisme du désastre sur le déclin. Les profits économico-financiers qui en résultent sont repartis entre le 1% du réseau transnational de la mort. (Souvent, il prend de l’argent à l’Etat pour le donner à ses membres. Quand Joseph Kabila puise dans la caisse de l’Etat pour acheter les voix, il obéit, consciemment ou inconsciemment aux règles du capitalisme du désastre. Ce n’est pas très différent de l’achat des sociétés privées de sécurité par le 1% américain pour faire la guerre en Irak.) De ce point de vue, Joseph Kabila n’est ni « un président de fait » faible ni prisonnier de ses réseaux. Il assume comme il se doit son rôle de « petite main » du capitalisme sauvage sur le déclin. Qu’il ait des difficultés à rendre des « parts » aux « 99% de sans-part » n’en fait pas moins un « maillon fort » du capitalisme du désastre.
Revenons à l’analyse de Jean Omasombo. Elle peut induire en erreur : dresser les autres ethnies congolaises contre les Luba du Katanga ou contre tous nos compatriotes de Maniema. Inutilement. Dans presque toutes nos tribus et ethnies, il y a des « minorités négatives », hostiles au bonheur collectif partagé et toujours disposées à travailler avec « les petites mains » du capitalisme du désastre. (Contrairement aux apparences, Jean Omasombo nous apprend, aux dépens de plusieurs d’entre nous, que ce sont « les minorités organisées » négativement ou positivement qui dirigent notre pays (et le monde). Cette organisation est transnationale ; elle va au-delà des clivages des tribus et des ethnies. Pour dire les choses autrement, il recrée d’autres « tribus » fondées négativement sur l’individualisme, la compétitivité, la concurrence, la cupidité et le profit immédiat, l’entretien des inégalités ou positivement sur la solidarité, la coopération, la justice distributive orientée prioritairement vers les « sans-part » et le bonheur collectif partagé. Le passage d’un camp à l’autre est lié au triomphe ou des valeurs du marché ou des valeurs humanistes dans les cœurs et les esprits. Pour le dire d’un mot, au changement de paradigme dans le chef des « minorités organisées ».
Dans cette re-création des « tribus », les liens traditionnels deviennent parasitaires et sont instrumentalisés pour la promotion des « minorités organisées » négativement ou positivement. Les liens traditionnels parasitaires survivent en poussant les masses ignorantes (toutes tribus et ethnies congolaises confondues) à ramasser les miettes tombant de la table des « maillons » du réseau transnational et en propageant des « mythes » du genre de ceux que se racontent les Luba du Katanga et de certains compatriotes du Maniema au sujet de Joseph Kabila et de ses liens biologiques. (Quand nous étions jeunes, « un mythe » du même genre est né à Kananga. Dans nos villages, il se racontait que Mobutu était du Kasaï et que son véritable nom était Kabasele. Ces « mythes » consolent « les esprits faibles » et/ou cupides de poursuivre le ramassage des miettes sans participer aux luttes d’émancipation.)
Ils contribuent à entretenir l’illusion selon laquelle, chez nous, il n’y a pas de lutte de classes ; surtout celle du 1% de « nouveaux prédateurs » et de « vieux dinosaures » contre les 99% des « sans-part » que nous sommes. Entretenir cette illusion risque de ne pas retarder l’internationalisation de la lutte de nos 99%, voie de salut pour le Congo, l’Afrique et le monde.
Mbelu Babanya Kabudi
Tous que vous avez publié sont exactes,j’ajoute que le regime de Joseph Kabila tue beaucoup plus que Mobutu,il finira mal,dont l’assassinat de 2 activistes de droit de l’homme Floribert Chebeya et son chauffeur Bazana de l’ong la VSV ont été assassiné le 01 juin 2010 à l’Inspection Générale de la Police sur un RDV avec le Général John Numbi,je crois que le témoin oculaire et gênant de cet assassinat le Major Paul Mwilambwe proche de John Numbi en fuite à révéler bcp des secrets sur les antenn