Par Jean-Pierre Mbelu
Les FARDC semblent avoir remporté rapidement plusieurs victoires sur le M23. Mais pourquoi maintenant ? Il semble que leurs salaires et leur nourriture ont été améliorés. De Kinshasa, elles n’ont plus eu des ordres contradictoires. Mais pourquoi la RDC doit-elle absolument négocier avec cette milice rwandaise qualifiée par « la communauté internationale » de « force négative ». Il semble que selon la même « communauté internationale », la victoire militaire ne suffit pas. Mais pourquoi la victoire militaire a-t-elle suffit au Rwanda, en Irak, en Libye et au Mali ? En posant ces petites questions et en essayant d’user sérieusement de notre entendement, les victoires de FARDC semblent être trop belles pour être réelles. Ce n’est qu’une hypothèse. Nous allons l’étayer tout au long de cet article.
Plusieurs d’entre nous sont contents d’apprendre que les FARDC soient en train d’en découdre avec le M23. Certains estiment que cette guerre doit être menée au cœur des pays l’ayant provoquée : le Rwanda et l’Ouganda.
Cette approche de la guerre de basse intensité imposée à la RDC par certains Etats profonds occidentaux et beaucoup plus particulièrement les Etats profonds (ou gouvernements parallèles) anglo-saxons travaillant en réseau avec les nègres de service africains nous paraît simpliste. Elle est fondée sur une lecture fantaisiste de notre histoire de trois dernières décennies. L’instrumentalisation de « nouveaux leaders de la renaissance africaine » que sont Museveni et Kagame (et leurs clans) par les anglo-saxons ne devraient pas en faire les acteurs majeurs de l’holocauste congolais. Non. Bien qu’ayant leur responsabilité historique et juridique dans « le génocide congolais », ces messieurs (et leurs clans) ne sont que des marionnettes des anglo-saxons et de certains patrons des multinationales décidés à avoir accès aux ressources du sol et du sous-sol congolais à n’importe quel prix. N’empêche que nous puissions rappeler que forts de leur rôle des « démocrates en développement », ces messieurs ont créé, avec l’appui de leurs parrains, plusieurs milices (AFDL, RCD, MLC, CNDP, M23, etc.) au sein desquelles les réseaux congolo-ougando-rwando-burundais ont été très efficaces dans l’entretien du « chaos organisé » en RDC.
Pourquoi ce chaos est-il organisé ? Pour une raison simple : pour que les ressources du sol et du sous-sol congolais soient exploitées à vil prix et les populations congolaises utilisées comme main-d’œuvre servile ou chassées des terres que les réseaux susmentionnés vendent aux multinationales comme carrés miniers quand ils ne les occupent pas eux-mêmes comme domaines privés. Pour dire les choses autrement, ces réseaux d’élite de prédation travaillent à l’imposition du modèle élitiste néolibéral dans la sous-région de l’Afrique centrale avec tout ce que cela implique comme conséquences. Et les deux conséquences les plus redoutables sont la guerre de tous contre tous et l’ensauvagement (ou plutôt la naissance de l’idéologie de la tolérance culturelle à la violence et au meurtre).
Ces réseaux qui se font et se défont au gré des caprices de leurs parrains et/ ou des alliances contre-nature qu’ils nouent entre eux ont fini par tout théâtraliser : la guerre, la mort, la politique, les relations diplomatiques, le vote au suffrage universelle, la démocratie, etc.
Présentement, nous assisterions à la théâtralisation de la guerre. Les Etats profonds anglo-saxons et « les cosmocrates » auraient intimé à leurs marionnettes l’ordre d’arrêter la guerre de basse intensité imposée à la RDC tout en leur demandant de maintenir ce pays dans son état de « non-Etat ». Les négociations ou les pourparlers avec la milice rwandaise du M23 pourrait servir à cela. Encore une fois, les institutions congolaises vont être infiltrées par une bonne partie de cette milice pour leur affaiblissement.
Il est curieux que plusieurs compatriotes ayant lu l’une des dernières interviews de l’envoyé spécial US (Russel Feingold) en Afrique centrale (à la RFI) n’ait pas relevé le fait que ce monsieur tout en affirmant l’amitié existante entre son pays et le Rwanda soutient que le pays des mille collines, en tant qu’Etat souverain, ne peut pas négocier avec les rebelles des FDLR. Et que la RDC, elle, devait poursuivre les pourparlers de Kampala. Car, pour lui, la solution militaire est insuffisante. Il faut à la RDC une solution politique : négocier avec la milice rwandaise du M23 et arriver à un accord. Il est clair que dans l’entendement de ce monsieur, contrairement au Rwanda, la RDC n’est pas un pays souverain. Il est un pays sous tutelle des Etats profonds anglo-saxons. Ceux-ci lui dictent la ligne de conduite à tenir. (D’ailleurs, ils font la même chose avec le Rwanda même s’ils ne présentent de manière rhétorique comme un pays souverain.) En d’autres mots, l’Afrique centrale est une propriété anglo-saxonne aux mains de quelques « kapita médaillés ». Pour preuve, il a suffit que ce monsieur parle pour que tous ces « kapita médaillés » et leurs futurs substituts reprennent en chœur ses thèses : « Oui. Il n’y a pas de victoire militaire à cette guerre. Nous devons retourner aux pourparlers de Kampala. Nous devons aller aux élections en 2016. »
Mais est-il possible d’étudier le devenir de la guerre de basse intensité en RDC sans avoir une vue large sur ce qui se passe aujourd’hui à travers le monde ? La banqueroute des USA ou l’échec de leur politique martiale, par exemple ?
Il est un fait que les guerres ont appauvri les USA et « l’exceptionnalisme américain » paraît rétrograde dans un monde de plus en plus polycentré. Ils peuvent encore soutenir un « chaos organisé » mais pas une guerre de grande ampleur en Afrique centrale. Certaines opinions publiques américaines, britanniques et congolaises ne veulent plus de ce « génocide congolais » permanent. Aussi, l’Afrique du Sud, membre du Brics, comme certains alliés des USA se rapprochent de plus en plus de la RDC, un pays où la présence chinoise suscite des peurs et des appréhensions. Il n’est pas exclu que tous ces éléments militent en faveur d’un certain changement de stratégie.
De plus en plus, une certaine présence britannique en RDC donne à penser. Il est possible qu’un certain Etat profond britannique travaille au retour sur le devant de la scène politico-économique congolaise des Congolais(es) pur jus mais « pervertis ».
Bref, disons qu’il n’y avait pas de guerre entre la milice rwandaise du M23 (travaillant en réseau avec quelques congolais) et la RDC. Non. Cette milice participe d’une guerre d’agression et de basse intensité fomentée par les Etats profonds anglo-saxons au profit des multinationales. Le paysage international change. Les élites néolibérales anglo-saxonnes varient ou diversifient leurs stratégies. Les FARDC n’ont remporté aucune victoire. Il y a eu théâtralisation de la guerre. Nos populations tenues en marge de toutes les informations nécessaires à la compréhension de ce théâtre ont applaudi. Malheureusement, la RDC n’est pas encore sortie de l’auberge. Presque toutes ses terres ont été vendues comme carrés miniers. Son pétrole et son gaz ne lui appartiennent presque pas. Ses forêts sont détruites. Les nouveaux prédateurs se sont distribué une bonne partie de terres non-vendues aux multinationales pour deux ou trois décennies. (A suivre)
Mbelu Babanya Kabudi