Par Jean-Pierre Mbelu
« Mais l’idiotisation est un mal dont le diagnostic est assez simple. Il suffit d’observer son principal symptôme : il s’agit d’un délire qui ne s’accompagne ni de fièvre ni d’aucun autre symptôme physique, il s’agit « simplement » d’une perte surprenante du sens des réalités. »
– J. CARRERO
Un énième rapport de l’ONU vient d’être publié. Que dit-il ? Kagame veut annexer le Nord et le Sud-Kivu. Pour ce faire, il instrumentalise les Kongolais(es). Qu’y a-t-il de neuf dans ce rapport ? Rien. Paul Kagame peut-il vaincre l’esprit wazalendo ? Non. Pourtant, le même refrain revient depuis plus ou moins trois décennies. Des compatriotes, fanatiques des questions dites d’actualité estiment avoir maintenant un peu plus de preuves sur tout le mal que « le tout-puissant » Paul Kagame veut faire au Kongo-Kinshasa. Est-ce réellement là une question d’actualité ou une vieille fausse question actualisée ? Que les compatriotes reprennent le fil de l’histoire. Il y a eu le rapport Gersony en 1994, le rapport Kassem en 2002, le rapport Mapping en 2010, etc. Ces rapports, un peu plus détaillés les uns que les autres, semblent être destinés à l’idiotisation des Kongolais(es).
Si les rapports de l’ONU pouvaient changer quelque chose au destin du Kongo-Kinshasa, ce pays n’aurait pas eu, comme « gouvernants », un réseau d’élite de prédation mis à nu par le rapport Kassem de 2002. Si les rapports de l’ONU pouvaient changer quelque chose au destin du Kongo-Kinshasa, un Tribunal Pénal pour ce pays aurait pu être mis en place après la publication du rapport Mapping en 2010. Dans un monde souffrant de « la vétocratie » et d’un manque criant d’un ordre juridique contraignant, tous ces rapports amusent la galerie. Néanmoins, ils peuvent être archivés. Les générations futures s’en serviront.
Paul Kagame et la politique kongolaise de l’autruche
En attendant, ces rapports devraient permettre aux Kongolais(es) de poser et de reposer certaines questions de bon sens. Le Rwanda est un petit pays dont le budget dépend, en grande partie, de l’aide extérieure. Comment peut-il soutenir un effort de guerre pendant plus ou moins trente ans en sabotant impunément presque tous les accords de paix qui ont signés au cours de cette période ? D’où viennent ses armes ? Quel rôle joue-t-il dans les Grands Lacs Africains ? La réponse est connue depuis très longtemps. Le Rwanda (sous Paul Kagame) n’est qu’un proxy. Telle est la vérité. Elle demande que justice soit faite. Mais cette vérité fait peur. Certains rapports de l’ONU aidant, les populations massifiées préfèrent s’aligner derrière certains « gouvernants » et »décideurs » en vue de pratiquer la politique de l’autruche. Pour quoi faire ? Pour bâtir un pays plus beau qu’avant sur le sable du mensonge et de la falsification de l’histoire.
Ces rapports devraient permettre aux Kongolais(es) de poser et de reposer certaines questions de bon sens. Le Rwanda est un petit pays dont le budget dépend, en grande partie, de l’aide extérieure. Comment peut-il soutenir un effort de guerre pendant plus ou moins trente ans en sabotant impunément presque tous les accords de paix qui ont signés au cours de cette période ? D’où viennent ses armes ? Quel rôle joue-t-il dans les Grands Lacs Africains ? La réponse est connue depuis très longtemps. Le Rwanda (sous Paul Kagame) n’est qu’un proxy.
A force de pratiquer cette politique de l’autruche, les têtes en bas, cachées dans le sable, les populations massifiées choisissent la déraison et la perte du sens des réalités, comme dirait Juan Carrero. Pourquoi ce choix est-il préférable à l’engagement citoyen collectif sur la voie de l’éthique reconstructive ? Il semblerait que cette voie est trop exigeante. Ses beaux fruits prennent beaucoup de temps avant leur récolte. Y renoncer pourrait conduire « Dieu » à agir à la place des populations massifiées. « Dieu » pourrait susciter un « Cyrus » prêt à délivrer le Kongo-Kinshasa de « la toute-puissance » de Paul Kagame. Le Ciel peut aider le pays même si le pays ne s’aide pas. D’ailleurs, c’est « un pays exceptionnel ». Donc, le choix de la déraison et de la perte du sens des réalités est aussi le fruit de cette croyance ancrée dans les coeurs et les esprits : « Nous sommes un peuple exceptionnel. RDC, eloko ya makasi. »
Guérir de la déraison et de la perte du sens des réalités
Est-ce possible d’en guérir ? Oui. En accueillant et en entretenant l’esprit résistant et résilient wazalendo. Et le diagnostic une fois posé, il faut revenir aux articles, aux livres, aux conférences, aux débats réguliers et éviter l’infobésité. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ont un apport important dans cette lutte. Mais, cet apport n’est pas suffisant. Elles peuvent créer des collectifs illusoires isolant les individus. Les débats et les conférences en présentiel sont encore nécessaires afin que du choc des idées jaillisse la lumière.
Revenir aux livres, il le faut bien. Encore faudrait-il avoir acquis le goût des choses de l’esprit et l’amour de la vie de l’intelligence ! Après avoir été une ou deux heures sur les réseaux sociaux, prendre et/ou reprendre un livre. Lire, noter, résumer, partager avec les amis, en débattre.
Il y a encore quelques mois, des compatriotes parlaient du dernier livre de Charles Onana. D’un coup, plus rien. « Les questions d’actualité » reprennent le dessus avec leur lot de déraison et de perte du sens des réalités.
Revenir aux livres, il le faut bien. Encore faudrait-il avoir acquis le goût des choses de l’esprit et l’amour de la vie de l’intelligence ! Après avoir été une ou deux heures sur les réseaux sociaux, prendre et/ou reprendre un livre. Lire, noter, résumer, partager avec les amis, en débattre. Et ce ne sont pas les livres sur la guerre de basse intensité sur le Kongo-Kinshasa qui manquent. Plusieurs reviennent sur les acteurs pléniers en relativisant le rôle de vassaux joué par les acteurs apparents et « la fausse toute-puissance » de Paul Kagame. Ils indiquent les tactiques, les stratégies et les objectifs poursuivis depuis la traite négrière en passant par la colonisation et la démocratie du marché jusqu’à ce jour.
En voici quelques-uns :
– F. HARTMANN, Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, Paris, Flammarion, 2007.
– P. PEAN, Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010.
– J. REVER, Rwanda. L’éloge du sang, Parix, Max Milo, 2020.
– C. ONANA, Ces tueurs tutsi. Au coeur de la tragédie congolais, Paris, Duboiris, 2009 ‘Ce livre est préfacé par l’envoyée spéciale de Bill Clinton dans les Grands Lacs africains en 1997, Cynthia McKinney. En 17 pages, elle résume l’histoire du Kongo-Kinshasa depuis les années 1960 tout en faisant allusion à la colonisation. Elle cite les acteurs majeurs de la tragédie kongolais en étant convaincue que »le peuple congolais a lui aussi droit à la vérité et à la justice. Le lettre de Monseigneur Munzihirwa publiée à la page 109 revient, encore une fois, sur les acteurs majeurs.)
– C. ONANA, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012.
– C. ONANA, Holocauste au Congo. L’Omerta de la communauté internationale. La France complice ?, Paris, L’Artilleur, 2023.
Conclusion : lire est exigeant
Lire, c’est exigeant. Cela demande une certaine discipline. Arrêter la télé. Rester concentrer pendant des heures. Tourner et retourner des pages. Faire des annotations. Commenter. Consulter les autres livres auxquels celui que l’on est en train de lire renvoie. Les noter. Et petit à petit, constituer sa petite bibliothèque. Voilà ce qui, petit à petit, nourrit l’esprit et permet de participer activement aux débats et aux conférences, de rompre avec la massification, d’ouvrir les yeux et de reconquérir, avec les autres, le sens des réalités.
La lutte contre l’idiotisation individuelle et collective, cela vaut la peine. C’est par elle que passera, petit à petit, l’édification d’un « nous » kongolais résistant, résilient, patriote et souverain, sage lucide et intelligent et celle d’une cité kongolaise plus belle qu’avant.