Par Jean-Pierre Mbelu
Plusieurs pays africains coopérant avec la France de François Mitterrand ont été invités, à partir du Sommet de La Baule (le 20 juin 1990), à embrasser la démocratie et le pluralisme politique s’ils voulaient continuer à bénéficier de l’aide française. Croyant en cette « aide fatale », ils se sont engagés sur la voie de cette démocratie « piégée » en faisant comme si « la liberté était une invention occidentale ».
Ils n’ont pas compris que cette invitation participait du « vol de l’histoire »(J. Goody,2006) et de l’imposition d’une hégémonie culturelle dominante. Celle-ci étant une expression de « la sorcellerie capitaliste ».
La démocratie made in La Baule
En fait, la démocratie made in La Baule n’était rien d’autre qu’une stratégie pour l’expansion du fondamentalisme du marché sous le couvert des processus électoralistes bidonnés destinés à fabriquer des « petites mains » au service des fondés de pouvoir du Capital. Donc, la Parole, la « Diyi » a été longtemps instrumentalisée au cours de ces processus électoralistes dans plusieurs pays africains dans le but de pouvoir ensorceler les coeurs et les esprits , de les envoûter et de les rendre perméables à la prise néolibérale et insensibles à l’intelligence du coeur faite de bienveillance et de compassion pour autrui.
La tradicratie ouverte a garanti l’autonomisation des individus et des communautés à taille humaine, des collectifs citoyens, des « tutunga » en vue d’en faire des lieux de la production de l’intelligence collective et de la palabre, nécessaire au pacte social, à la participation citoyenne, à la délibération et à la prise des décisions impliquant le plus grand nombre pour le bonheur collectif partagé.
S’inscrivant dans la dynamique des paradigmes négatifs qu’ont été la traite négrière et la colonisation, le néolibéralisme néocolonisant s’est servi de la démocratie du marché pour soumettre, assujettir et abâtardir les pays africains en plongeant plusieurs de leurs populations dans l’appauvrissement anthropologique et en leur imposant subrepticement l’hédonisme consumériste comme unique fin de la vie.
Celui-ci a généré des passions tristes telles que la violence, la méchanceté et la haine au détriment de la décence ordinaire pétrie de valeurs du Bomoto, de justice, de vérité et la solidarité prônées par la tradicratie.
Sans idéaliser les sociétés africaines traditionnelles, il y a lieu de soutenir qu’elles ont su organiser des espaces sociaux et matériels pour protéger la vie et le « Muntu wa Bende » (l’humain-d’autrui). En effet, la tradicratie ouverte a garanti l’autonomisation des individus et des communautés à taille humaine, des collectifs citoyens, des « tutunga » en vue d’en faire des lieux de la production de l’intelligence collective et de la palabre, nécessaire au pacte social, à la participation citoyenne, à la délibération et à la prise des décisions impliquant le plus grand nombre pour le bonheur collectif partagé.
Le solidarisme à partir des collectifs citoyens
Donc, s’inspirer de la gestion traditionnelle du pouvoir est une façon de rompre avec « le vol de l’histoire » et de participer à l’avènement d’un monde multipolaire comme à un rendez-vous du donner et du recevoir. Les pays africains ont besoin de cet enracinement culturel et traditionnel pour apporter du leur à ce grand rendez-vous, sans complexe. L’oraliture et le discours parémiologique peuvent être mis à contribution en plus des livres.
S’inspirer de la gestion traditionnelle du pouvoir est une façon de rompre avec « le vol de l’histoire » et de participer à l’avènement d’un monde multipolaire comme à un rendez-vous du donner et du recevoir. Les pays africains ont besoin de cet enracinement culturel et traditionnel pour apporter du leur à ce grand rendez-vous, sans complexe.
Dans son ouverture, la tradicratie peut s’inspirer des exemples d’autres pays du monde. L’expérience du Venezuela est l’une des meilleures. Tout en garantissant l’autonomie des individus et des collectifs citoyens, ce pays a su mettre un accent particulier sur le vote des projets à la base de la société. Ces projets votés sont assumés par les citoyennes et les citoyens s’engageant à les réaliser et exigeant aux gouvernants de les financer. Ce faisant, ils renversent la pyramide hiérarchique en devenant les démiurges de leur propre destinée à laquelle ils associent les gouvernants dont le pouvoir est soumis, entres autres, au référendum révocatoire. Ils s’habituent à s’assumer comme de véritables souverains primaires dans le respect du principe de subsidiarité. Ainsi se démarquent-ils, petit à petit, du processus électoraliste marchand et recourent au tirage au sort pour le besoin de la cause.
Des compatriotes africains et kongolais ont beaucoup à apprendre de ce peuple résilient afin de rompre avec l’attentisme et le parasitisme nuisibles au bien-vivre et/ou à la vie bonne. Promouvant le solidarisme à partir des collectifs citoyens, ils peuvent s’engager dans un long processus de la réforme des esprits et des coeurs en vue de réinventer un humain africain et kongolais différent, re-civilisé et désenvoûté de « la sorcellerie capitaliste ». L’engagement dans ce long processus sur le temps long a besoin des relayeurs.
Babanya