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« Conserver le pouvoir par les urnes comme en 2006 et en 2011 ». Une propagande pour les amnésiques faite par Minaku

« Conserver le pouvoir par les urnes comme en 2006 et en 2011 ». Une propagande pour les amnésiques faite par Minaku

« Conserver le pouvoir par les urnes comme en 2006 et en 2011 ». Une propagande pour les amnésiques faite par Minaku 800 600 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Depuis l’assassinat de Lumumba, il n’y a pas eu de pouvoir véritablement gagné et conservé par les urnes en RDC. Non. Il n’y a pas de pouvoir gagné et conservé par les urnes dans un pays colonisé et sous occupation. Les propos de Minaku relèvent d’une propagande destinée aux plus amnésiques d’entre nous. Il y a une grande différence entre « avoir un gouvernement » et « avoir le pouvoir ».

Les dernières déclarations d’Aubin Minaku sont à la fois claires et interpellantes. Elles prétendent que depuis 2006, la MP (Majorité Présidentielle) a le pouvoir en RDC. Et que ce pouvoir, elle l’a eu par les urnes. Analysons. ‘’Avoir un gouvernement’’ et ‘’avoir le pouvoir’’, c’est différent. François Mitterrand l’a fait savoir à sa femme Danielle Mitterrand au mois de Mai 1981. Ce Président Français (élu au suffrage universel) a confié à sa femme que le pouvoir appartenait aux IFI, ‘’bras économico-financiers’’ du néolibéralisme. Et Danielle Mitterrand apprit de son époux « que d’être le gouvernement, être le président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. [1]» Pendant quatorze ans, cette dame avoue avoir fait l’expérience de la domination du néolibéralisme par ses ‘’fondés de pouvoir’’ interposés en France.

La RDC, une colonie pro-occidentale, financée par la Banque mondiale et le FMI ne fait pas exception à cette règle. Elle a mis en pratique économiquement, depuis ‘’la guerre de l’AFDL’’, l’Initiative des Pays Pauvres Très Endettés, une version revue et non-corrigée des programmes d’ajustement structurels, promotrice de l’austérité imposée aux peuples congolais et hostile à leurs droits sociaux, économiques et culturels. N’eussent été leur ouverture au néolibéralisme et sa renonciation au développement autocentré, ‘’plusieurs nouveaux prédateurs’’ faisant office ‘’ de petites mains des fondés de pouvoir’’ du capitalisme du désastre ne seraient pas ‘’aux affaires’’ jusqu’à ce jour. Ils ne sont donc pas là pour avoir eu le pouvoir par les urnes en 2006 et en 2011. Non.

Sur ce point, Colette Braeckman nous aide à rompre avec une certaine amnésie collective quand elle traite du ‘’moteur de la guerre’’ de prédation et de basse intensité à laquelle l’AFDL a participé et qui a ‘’mangé’’ Laurent-Désiré Kabila. Faisant allusion à la disgrâce dont Mzee a été victime, elle note ceci : « S’il était à ce point urgent de détrôner Kabila, dictateur certes, mais guère plus que d’autres (Museveni et Kagame), n’est-ce pas parce qu’il avait eu l’audace de prétendre déconnecter le Congo des circuits dominants qui mènent le Sud vers le Nord ? Parce qu’il avait tenté d’aller à contre-courant ? Ne serait-ce pas parce que d’autres pays d’Afrique, suivant l’exemple du Congo, auraient pu être tentés de réduire leur dépendance par rapport au reste du monde ? [2]» Elle ajoute : « Rappelons que les projets fondés sur l’idée de ‘’renaissance africaine’’ ont pour ambition de mieux intégrer le continent aux circuits économiques mondiaux, et le Congo est un maillon essentiel à la réussite de cette ambition. Dans cette perspective, il apparaît que l’objectif à long terme de la guerre menée au Congo fut de remettre le pays sur cette trajectoire-là, de mieux l’intégrer à l’économie mondialisée.[3] » C’est-à-dire au ‘’capitalisme du désastre’’ ; en utilisant la violence orchestrée par les chiens de garde de l’élite dominante anglo-saxonne.

Forts de cet objectif à long terme, ‘’les fondés de pouvoir’’ du néolibéralisme ont financé la mascarade électorale de 2006. Plusieurs d’entre eux n’ont pas eu froid aux yeux pour clamer sur les toits que ces élections étaient celles de ‘’la communauté occidentale’’. Celle-ci a dû composer avec le régime répressif de Kinshasa pour créer son ‘’roi’’, Joseph Kabila, présenté comme ‘’l’espoir du Congo’’ à travers certaines télévisions du monde. Un rapport de la FIDH de 2009 intitulé ‘’La République Démocratique du Congo. La dérive autoritaire du régime’’ et auquel plusieurs activistes de droits de l’homme congolais ont pris part témoigne de cette répression. Et un livre, suffisamment bien documenté sur cette mascarade électorale de 2006, a apporté, à la documentation des patriotes congolais, des preuves de l’implication de l’Europe (de l’Occdent) dans les crimes et la censure imposés à la RDC au nom de ‘’la démocratie et de la liberté’’[4]. Pouvait-il en être autrement dans une colonie pro-occidentale ? Pas du tout. Les derniers documents déclassifiés US[5] nous ont aidé à comprendre la prise en otage de cet espace de l’Afrique centrale par ‘’l’empire global’’ bien avant les années 1960 et la question de la crise de légitimité et de souveraineté qu’elle pose.

Aussi, les élections bidons de 2011 n’ont-elles été que la poursuite du processus vicié et vicieux de 2006. Un bel article écrit là-dessus est plus qu’éloquent. Dans cet article, intitulé ‘’Il est minuit moins une à Kinshasa’’ écrit le 07 décembre 2011, Arnault Zajtman[6] montre comment l’intervention de la communauté occidentale dans le processus électoral congolais a replongé le pays dans une crise semblable à celle ayant suivi l’assassinat de Lumumba.

Quand, après tout le faux débat suscité par ‘’la révision constitutionnelle’’, Minaku, fort de sa tournée dans certains pays occidentaux, soutient qu’ils vont conserver le pouvoir comme ils l’ont fait par les urnes en 2006 et en 2011, il ment. Ces mascarades électorales, pièges à con, ont été gagnées en marge des urnes. Pour preuve, un petit témoignage. Nous nous souvenons de cet acteur politique occidental nous ayant confié bien avant les élections de 2006 : « Pour nous, c’est Kabila ou Ruberwa ou rien. » Et à la question de savoir s’il ne se moquait pas notre peuple en faisant ce choix au préalable, il avait répondu : « Votre peuple, c’est quoi. »

Un parcours de l’interview qu’Aubin Minaku a donné dernièrement à Colette Braeckman[7] va à peu près dans le même sens : le mépris des cris des populations violées, torturées, meurtries, clochardisées (par les nouveaux prédateurs et les vieux dinosaures) et pouvant bientôt être appelées à se prononcer sur une constitution qu’il n’a presque pas lue dans leur immense majorité ; l’analphabétisme aidant ! Aubin Minaku, recourant à la fausse approche du Congo comme ‘’pays post-conflit’’ suggère que si ‘’son autorité morale’’ n’est plus aux affaires, le pays va connaître ‘’l’inanition’’. Pourtant, ce n’est pas elle qui est ‘’la véritable reine du Congo’’ ; elle n’est qu’une marionnette.

Il y a dans les propos de Minaku une grave falsification de l’histoire réelle du pays, une propagande de mauvais goût faite pour son chef de ‘’raïs’’ et une approche mensongère des élections bidons de 2006 et de 2011.

Que faut-il faire ? Nous sommes avertis que le processus de 2006 à 2011 pourra être reconduit avec son lot de violence, de corruption, de fraudes et autres tricheries avec le soutien de certains ‘’parrains extérieurs’’. Connaître et maîtriser l’histoire de ce processus pourrait nous éviter l’amnésie et la reproduction des erreurs du passé. En discuter et en tirer des leçons dans des fronts de résistance et mouvements unifiants pour des actions fondées sur une autre lecture de l’histoire collective, sur de bonnes informations, sur des faits cachés sous les apparences d’un pouvoir os assumé par des ‘’négriers des temps modernes’’ en RDC. Minaku nous a avertis…Oyo azali na matoyi…Ayoka. Ce ne sont que de petites propositions discutables…


Mbelu Babanya Kabudi


[1] H. CALVO OSPINA, Danielle Mitterrand : ‘’La  démocratie n’existe ni aux USA, ni en France. Extrait d’un entretien avec Danielle Mitterrand, Présidente de ‘’France Libertés’’, dans Le Grand Soir, 22 novembre 2011.
[2] C. BRAECKMAN, Les nouveaux prédateurs. Politiques des puissances en Afrique centrale, Paris, Fayard, 2003, p. 187.
[3] Ibidem.
[4] Lire C. ONANA, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012.

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