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Cohésion nationale kongolaise et « éthique reconstructive »

Cohésion nationale kongolaise et « éthique reconstructive »

Cohésion nationale kongolaise et « éthique reconstructive » 2048 1367 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« S’il faut dialoguer, qu’on nous dise avec qui dialoguer…Si réellement il y a un congolais à la tête de M23, qu’il nous dise pour quelle raison il doit passer par un pays étranger pour parler avec ses compatriotes. » (Mgr Siku Melchisedek, évêque de Butembo)

Face à l’adversité, l’union peut faire la force. Elle peut aussi faire la faiblesse si ses principes fondateurs sont sapés. Pour qu’elle soit une force, les masses populaires qui se mettent debout pour fabriquer un « nous » dynamique doivent partager un minimum de valeurs pouvant les transformer en une masse critique. Elles doivent être fondées sur des principes et/ou des valeurs pour lesquelles elles peuvent accepter des sacrifices (et/ou la résilience) dans la mesure où elles donnent sens à leur vie individuellement et collectivement. La loyauté, la justice, la vérité, la paix, le patriotisme, le travail collectif, la solidarité, la respect de soi et la reconnaissance de l’altérité, etc. en font partie.

Le « nous » dynamique à construire

L’union fondée sur ces principes et/ou ces valeurs peut donner du sens à la coexistence dans la mesure où elle participe de la production d’un minimum de bonheur collectif partagé. La fidélité -régulièrement revue et corrigée-à ces principes et/ou à ces valeurs, peut, sur le temps long, faire sa force. Cette fidélité est indispensable à la cohésion nationale d’un pays. Néanmoins, pour être une force, le « nous » dynamique à construire a besoin d’un travail permanent de mémoire. L’amnésie lui est nuisible ; elle lui est fatale. Elle peut être mortifère.

Pour être une force, le « nous » dynamique à construire a besoin d’un travail permanent de mémoire. L’amnésie lui est nuisible ; elle lui est fatale. Elle peut être mortifère.

La guerre perpétuelle que connaît le Kongo-Kinshasa a souvent poussé ses filles et ses fils à se mettre debout comme « un seul homme » avant que « le consensus politicien » vienne casser cette dynamique en les opposant les uns aux autres et en prêtant flanc à l’infiltration des adversaires dans les institutions du pays afin de les affaiblir de l’intérieur et de promouvoir une idéologie nihiliste.

Dernièrement, en se mettant debout sans particratie pour protester contre l’attaque de Goma par les militaires rwandais, les populations kongolaises ont remis profondément en question ce « consensus politicien ». Ils ont remis en question les paradigmes du larbinisme et du marionnettisme ayant envoûté les coeurs et les esprits des « politicards » kongolais. Elles inviteraient à un changement profond de paradigme.

Dialogue ou assises de la refondation?

Au moment où certains de nos compatriotes parlent du dialogue pour consolider la cohésion nationale, il serait important de se poser la question de savoir si ce dialogue peut faire fi de cette remise en question de ces paradigmes par les populations kongolaises. Dans quelle mesure, la confusion entretenue entre les véritables acteurs majeurs et leurs larbins -qui ne sont que des acteurs apparents- peut-elle servir la cause de la cohésion nationale ? C’est d’un. De deux. A Sun City, il y avait eu une proposition : mettre en place une Commission Vérité et Réconciliation pour accompagner « le système naissant ». Pourquoi cette Commission n’a-t-elle jamais vu jour ? Pourquoi ?

Pour un pays victime des paradigmes de néantisation et d’indignité, de larbinisme et de marionnettisme, organiser un quelconque dialogue sans un minimum d’ « éthique reconstructive » ne servirait pas à grand-chose.

Pour un pays victime des paradigmes de néantisation et d’indignité, de larbinisme et de marionnettisme, organiser un quelconque dialogue sans un minimum d’ « éthique reconstructive » ne servirait pas à grand-chose. Cette éthique, dans sa double dimension d’ éthique de responsabilité et d’éthique de réconciliation implique un moment de Justice et de Vérité sur les jeux et les enjeux de la guerre de prédation et de basse intensité que connaît le pays afin que ses commanditaires et leurs complices soient punis en vue d’ éviter la récidive. La réconciliation pouvant consolider la solidarité et la cohésion nationale ne peut pas se passer d’une Justice Vraie afin d’ assainir les institutions infiltrées par les partisans de l’idéologie nihiliste.

Membre de la SADC, le Kongo-Kinshasa a la chance de fréquenter la République Sud Africaine. Meurtrie par la politique d’apartheid, ce pays a su réécrire plus ou moins dignement son histoire après avoir mis en place la Commission Vérité et Réconciliation. Il peut se laisser conseiller par ce pays.

Ailleurs, au Mali ou au Burkina Faso, par exemple, les assises de refondation ont été organisées pour consolider la cohésion nationale face à l’adversité (nommée) et pour affirmer la souveraineté en la fondant sur des principes opposables au plus grand nombre de la population. Sans complaisance. Ces modèles peuvent être étudiés et approfondis par les partisans du « dialogue » kongolais. Ils peuvent les inspirer.

Babanya Kabudi

INGETA.

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