Par Jean-Pierre Mbelu
Des compatriotes africains des Grands Lacs et Kongolais sont inquiets depuis qu’ils ont appris que l’auteur de « Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise. Quand les archives parlent » (2019) va faire face à un procès devant le tribunal correctionnel de Paris les 7, 8, 10 et 11 octobre 2024. Plusieurs sont disposés à accompagner ce « citoyen d’honneur kongolais » au tribunal.
Ce procès va avoir lieu après qu’il ait défendu sa thèse de doctorat en 2017 à l’Université Jean-Moulin Lyon 3 sous la direction du Professeur Jean-Paul Joubert. Le livre précité et pour lequel il est traîné en justice est pratiquement sa thèse de doctorat. Son procès pourrait être, indirectement, celui de l’Université qui l’a proclamé docteur en science politique après la défense de cette thèse. A ce point nommé, un autre problème pourrait se poser. Il serait lié aux méthodes de recherche enseignées à l’ école et à l’Université.
Charles Onana est depuis toujours attaché aux sources
En effet, dans les cours d’initiation à la recherche scientifique à l’Université, le renvoi aux sources documentaires, aux archives, aux écrits des auteurs ayant insuffisamment (et/ou pas) abordé les hypothèses à corroborer est vivement recommandé. Car, un chercheur se voulant novateur doit pouvoir ajouter un plus aux recherches menées dans le domaine qu’il explore avant lui.
Un chercheur se voulant novateur doit pouvoir ajouter un plus aux recherches menées dans le domaine qu’il explore avant lui. Les lecteurs assidus de Charles Onana savent qu’il ne déroge pas à cette règle.
Les lecteurs assidus de Charles Onana savent qu’il ne déroge pas à cette règle. Avant la défense de sa thèse, il a toujours eu recours aux sources documentaires diverses et diversifiées. Il lui est arrivé d’entrée en contact avec les témoins vivants ayant participé, de près ou de loin aux tragédies étudiées dans ses livres. Lorsqu’il écrit, par exemple, « Ces tueurs tutsi. Au coeur de la tragédie congolaise » en 2009, ce livre est préfacé par l’envoyée spéciale de Bill Clinton dans la région des Grands Lacs africains en 1997. Il a pris le temps d’échanger avec elle et de venir avec elle à la présentation de ce livre à Bruxelles en 2010.
Ensuite, en 2012, il publie « Europe, crimes et censure au Congo ». Le sous-titre du livre, « Les documents qui accusent », exprime l’attachement de Charles Onana aux documents archivés. Les citations, les onze (11) annexes et les cartes que contiennent son dernier livre intitulé « Holocauste au Congo. L’Omerta de la communauté internationale. La France complice ? » (2023), attestent qu’il s’inscrit dans une orientation scientifique donnant à ses écrits des fondements vérifiables. Donc, le livre de 2019 -qui est une reprise de se thèse de doctorat défendu en 2017- ne déroge pas à la règle. Son sous-tire, « Quand les documents accusent », est plus qu’explicite.
Luc Marchal préface le livre
Ce livre a eu la chance d’être préfacé par un commandant des casques bleus de l’Opération Turquoise, Luc Marchal. A son avis, il est d’un apport capital. Pourquoi ? « En effet, écrit Luc Marchal, le conflit rwandais souffre toujours d’une lecture réductrice, voire simpliste. Dès lors, la recherche et l’intérêt scientifique dans ce domaine sont amplement justifiés étant donné que depuis 1994, on ne peut que constater non seulement une carence de débat de fond sur la problématique faisant l’objet du présent ouvrage, mais aussi un ostracisme marqué à l’égard de ceux qui ont l’outrecuidance de contester la doxa officielle des faits. [1]»
Après le jury universitaire qui lui a conféré le titre de docteur en science politique, ce deuxième jury judiciaire pourrait constituer pour Charles Onana un sérieux défi à relever.
Charles Onana aurait-il eu cette outrecuidance ? Le procès du mois d’octobre pourrait aider à avoir une réponse claire à cette question. Même si, du côté du préfacier, il y a une certaine appréhension lorsque, tout en reconnaissant dans ce livre « un travail qui mérite considération et qui constitue une réelle contribution à une connaissance plus correcte des l’holocauste des Grands Lacs [2]», il ajoute ce qui suit : « Finalement, au-delà de cet immense travail de recherche effectué, saluons la persévérance et le courage dont fait preuve Charles Onana depuis de très nombreuse années. Le rôle du lanceur d’alerte, particulièrement dans le domaine qu’il explore, n’est pas sans risque. [3] »
Charles Onana pourrait-il éviter ce risque en se défendant devant un deuxième jury ? Après le jury universitaire qui lui a conféré le titre de docteur en science politique, ce deuxième jury judiciaire pourrait constituer pour Charles Onana un sérieux défi à relever.
Petite conclusion : l’honneur de l’Université et un signe prémonitoire
De toutes les façons, à ce procès, l’honneur et le prestige de l’Université Jean-Moulin de Lyon seront mis en jeu. Il en ira de même pour les méthodes scientifiques dont s’est servi Charles Onana afin de mener à bien sa recherche. Ses sources écrites et orales vont être mises à dure épreuve.
Pour rappel, en 2002, Paul Kagame avait retiré une plainte contre le même auteur après la publication de son livre intitulé « Les secrets du génocide rwandais ». C’est peut-être un signe prémonitoire pour le procès du mois d’octobre. Le souhait serait que la vérité triomphe.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] C. ONANA, Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise. Quand les archives parlent, Paris, Editions de l’ Artilleur, 2019, P.22-23.