Par Jean-Pierre Mbelu
« Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. » – Günther Anders
« Pour éviter de s’empoigner, disait quelqu’un, il faut donner leur sens aux mots. Des compatriotes kongolais mélangent tout. Ils disent des acteurs apparents que ce sont des acteurs pléniers, ils appellent des mercenaires Préso et voilà. » – Babanya
Au Kongo-Kinshasa, faute de mémoire, l’histoire peut se répéter régulièrement. Se rappeler que les paradigmes négatifs qu’ont été la traite négrière néantisante, la colonisation déshumanisante et la néocolonisation bêtifiante ont eu des effets néfastes sur la majorité des populations kongolaises est important.
L’histoire se répète au pays de Lumumba faute de mémoire collective vivante et vigilante. Une mémoire instituée, étudiée, approfondie et partagée de façon qu’elle fasse de la lucidité et du discernement le seuil de l’abord du présent tumultueux.
Günther Anders et l’hégémonie culturelle dominante
En sus, l’étude du système internationalisé véhiculant ces paradigmes négatifs n’est pas encore devenue la chose la mieux partagée au Kongo-Kinshasa. L’école, l’université, et les ONG et les médias mainstream sont utilisés comme des canaux par lesquels l’hégémonie culturelle dominante au service du « capitalisme du désastre » passe. Elle formate et envoûte les masses de façon qu’elles soient esclavagisées.
Des masses populaires kongolaises en sont là : un certain bavardage une musique incessante, un certain théâtre abrutissant , tout cela les empêche de s’interroger, de penser, de réfléchir et de produire une intelligence collective à même d’entretenir une mémoire vivante et vigilante.
En sus, comme l’écrit si bien Günther Anders, « il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste… que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissant, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s’interroger, penser, réfléchir. »
Des masses populaires kongolaises en sont là : un certain bavardage une musique incessante, un certain théâtre abrutissant , tout cela les empêche de s’interroger, de penser, de réfléchir et de produire une intelligence collective à même d’entretenir une mémoire vivante et vigilante. Fanatisées, elles peuvent accueillir et applaudir leurs bourreaux et leurs tortionnaires d’hier en les identifiant à leurs libérateurs.
La réforme des coeurs et des esprits
Dans ce contexte, sans une refondation de l’école, de l’université, de l’église, des médias et des ONG, il pourrait devenir difficile de rompre avec les paradigmes néantisants et bêtifiants.
La refondation dont il est question a pour fin la réforme des coeurs et des esprits. Elle est le lieu de la réinvention d’un autre humain kongolais.
Identifier les résistants et les résilients kongolais et s’inscrire ensemble dans une dynamique fidèle à l’idée de la production du commun dans l’autonomisation des Kongolaises et des Kongolais et de leurs collectifs à la base du pays, cela est indispensable à l’avènement d’un autre Kongo de l’intérieur.
La refondation dont il est question a pour fin la réforme des coeurs et des esprits. Elle est le lieu de la réinvention d’un autre humain kongolais. De lui dépendra le bâtissement d’un pays différent, d’un pays plus beau qu’avant.
Babanya