Par Bénédicte Kumbi Ndjoko
Victor Hugo disait que « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». Mais quand la forme se répète sans fond, ce n’est plus de la politique, c’est une mise en scène. Depuis Genval jusqu’à Nairobi, en passant par Gorée, chaque rencontre estampillée historique au Congo semble conçue d’abord comme une photo à destination de l’opinion, non comme une construction d’avenir.
Le décor, les visages et la solennité remplacent le contenu. Ces réunions ne produisent pas de vision mais elles produisent des postures. C’est la politique de la scénographie : on rejoue la grandeur qu’on n’a pas les moyens d’incarner. On affirme reprendre son initiative historique alors que les photos ont du mal à cacher les opportunismes.
Ce qui se répète, ce n’est pas seulement la mise en scène : c’est l’oubli du peuple. Chaque cycle de concertation prétend sauver la République mais ce qui est visé en réalité c’est toujours la renégociation de l’accès à la rente et à l’immunité. Le peuple n’est qu’un prétexte de décor.
Genval tournait autour d’un Étienne Tshisekedi déjà épuisé, instrumentalisé par des ambitions concurrentes. Gorée évoquait l’ombre tutélaire de George Soros, comme pour rappeler que le Congo reste toujours sous des influences extérieures, même dans ses prétendus moments d’émancipation. Et Nairobi remet au centre Joseph Kabila, symbole d’un retour du refoulé politique, comme si le pays ne savait exister qu’à travers le mythe du père ou du chef. Dans tous ces cas, l’homme supplante l’idée. Le pouvoir reste une affaire de corps et non de projet : on s’aligne derrière une silhouette, pas derrière un programme et ceci même si on crie urbi et orbi que le projet c’est de sauver le Congo.
Ce qui se répète, ce n’est pas seulement la mise en scène : c’est l’oubli du peuple. Chaque cycle de concertation prétend sauver la République mais ce qui est visé en réalité c’est toujours la renégociation de l’accès à la rente et à l’immunité. Le peuple n’est qu’un prétexte de décor; une figure de rhétorique que l’on convoque quand il faut moraliser la prise du pouvoir. Lui donner une certaine appétence même quand on est dans le recyclage.
Aucun sentiment d’indépendance, ne sort de ces réunions. Elles semblent plutôt montrer que le Congo reste prisonnier d’un imaginaire politique où la légitimité se construit toujours ailleurs : à Bruxelles, à Genève, à Gorée, à Nairobi, jamais à Kisangani ou à Mbandaka. Elles mettent aussi en avant la relation pathologique que les Congolais ont au pouvoir. Car il est n’est jamais question de charge morale et éthique qui vient avec le pouvoir mais de l’opportunité de s’extraire du commun. Il faut ajouter à cela que le chef est vu comme celui qui punit ou protège, il n’est donc pas un instrument de transformation sociale. Ainsi le Congolais attend d’être sauvé par le pouvoir ne se rendant même plus compte qu’il est devenu son prisonnier.
C’est une géopolitique de la soumission symbolique qui se joue encore et encore. On a beau lui accoler tous les slogans, vouloir y voir un possible mais la réalité est là. Et elle ne parle pas en notre faveur et en faveur d’une libération made in politiciens Congolais.
BK Kumbi