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Lumumba, la dent et la nation

Lumumba, la dent et la nation

Lumumba, la dent et la nation 1280 720 Ingeta

Par Mufoncol Tshiyoyo

La dent de Lumumba : que devons-nous en faire pour devenir un peuple ? Une autre voie est possible… Pour une conscience qui mord, pour une mémoire qui forge.

On nous a rendu une dent. Une seule. Pas un corps. Pas une tombe. Juste une dent arrachée au silence, rendue comme un lot de consolation et déposée comme on ferme un dossier. Mais une dent, ce n’est pas rien. C’est une racine. C’est une preuve. C’est le reste irréductible, ce que ni l’acide ni l’oubli n’ont pu dissoudre. Et ce symbole-là, s’il est compris, peut devenir le socle d’un relèvement, d’une conscience réarmée.

Alors, que devons-nous en faire ? En faire une relique figée ou une braise active ? En faire un symbole ou une semence ? Faire de cette dent un ferment. Un début. Une morsure dans l’histoire. En ce qui nous concerne, nous nous inscrivons dans la construction d’un peuple pour faire corps, pour faire nation.

La dent de Lumumba : le fragment d’un peuple livré

Ils l’ont dissous dans l’acide. Rappeler ce crime ne peut constituer un délit que pour ceux qui veulent imposer l’oubli comme loi. Et la soumission comme destin. Rappeler, ce n’est pas rejeter l’autre, c’est s’affirmer face à lui. C’est se tenir debout dans sa propre histoire.

Ils ont voulu faire disparaître l’homme et jusqu’à sa trace. Mais voilà qu’un fragment a résisté à l’effacement. Un éclat de vérité s’est arraché à l’acide : une dent. Cette dent est notre mémoire radioactive. Elle témoigne. Elle accuse. Elle parle.

Elle dit que le Congo a été trahi de l’intérieur. Que Lumumba n’a pas été simplement assassiné. Mais livré. Livré par ceux qui ont préféré la place du domestique à l’honneur de l’insoumis. Aujourd’hui encore, les traîtres de nouveau genre récitent la même prière.

Ils s’inscrivent dans la longue filiation du cancer de la trahison. Ils signent. Ils livrent. Ils bradent en costume. Voilà pourquoi cette dent doit nous hanter. Elle n’est pas faite pour le musée. Mais pour l’éveil. Elle n’est pas un souvenir, mais un signal d’alerte, un catalyseur de conscience.

Une dent n’est pas un hommage : c’est un ultimatum

Ils l’ont rendue. Comme on rend ce qu’on ne veut plus porter. Pas pour honorer. Pas pour réparer. Mais pour refermer. Ce n’est pas une reconnaissance. Ce n’est même pas un aveu.
C’est une manière de dire : « Voici ce qu’il reste. Faites-en ce que vous pouvez. »

Faisons de cette dent un serment. Faisons-en la racine d’une nouvelle génération. Une génération qui ne tend plus la main, qui ne quémande plus de reconnaissance…

Alors faisons. Faisons de cette dent un serment. Faisons-en la racine d’une nouvelle génération. Une génération qui ne tend plus la main, qui ne quémande plus de reconnaissance, qui ne supplie plus ceux qui ont perfectionné l’injustice de lui offrir quelques miettes de justice.

Mais une génération qui se relève. Qui se redresse. Qui se refonde. Une génération qui ne se disperse plus. Mais qui s’affirme comme un tout. Un corps. Un souffle. Un peuple.

La dent et l’enfant : une pédagogie du feu

Dans chaque école. Dans chaque quartier. Dans chaque famille, on devrait dire à l’enfant congolais :
« Regarde cette dent. C’est tout ce qu’ils ont laissé de l’homme qui voulait te rendre ta dignité. » Et lui dire aussi : « Tu n’es pas né pour hériter des restes. Tu es né pour reprendre l’ensemble. Pas pour demander. Pour décider. Pas pour pleurer. Pour bâtir. »

Qu’on ne vive plus dans le deuil d’un héros. Mais dans la naissance d’un devoir. Que l’on cesse d’enseigner la soumission par oubli. Et qu’on commence à former la lucidité par le feu.

Ce n’est pas un os à pleurer. C’est une arme à brandir. Ce n’est pas une relique. C’est un point de bascule. Un fragment. Oui, mais un fragment qui brûle, un éclat qui enseigne. Qu’on ne vive plus dans le deuil d’un héros. Mais dans la naissance d’un devoir. Que l’on cesse d’enseigner la soumission par oubli. Et qu’on commence à former la lucidité par le feu.

La voie nouvelle

Appel :
Que la dent devienne parole, que la parole devienne action. Nous lançons ici un appel, pas aux institutions, pas aux puissants, mais à celles et ceux qui veulent être vivants :
1. Inscrivons la dent de Lumumba dans notre pensée politique, non comme souvenir, mais comme avertissement : celui qui trahit les siens finit par ne laisser que des cendres à son peuple.
2. Élevons un lieu vivant, non pas pour pleurer le passé, mais pour jurer sur cette dent: jurer de ne plus jamais trahir, de ne plus jamais se courber, de ne plus jamais livrer les nôtres.
3. Faisons de cette dent un serment collectif : Nous ne voulons plus qu’on nous restitue un fragment. Nous voulons retrouver notre entièreté. Et pour cela, nous nous redéfinissons dès aujourd’hui. Par nous-mêmes. Par nos actes. Par notre renaissance.

Une autre possibilité ? Oui. Et elle commence par un principe simple, mais oublié : le pouvoir n’est pas que dans les armes. Il est dans le peuple. Comme le dit Lisa Issac : « Lorsque les dirigeants d’une nation s’unissent à leur peuple et que la rhétorique s’aligne sur la volonté de la population, ils deviennent une force indomptable. Mais si cette équation échoue, les jeunes trahis deviennent les Troyens de l’effondrement intérieur. »

La dent de Lumumba porte cela : un avertissement contre la rupture entre peuple et pouvoir. Et un appel à retrouver l’axe perdu entre gouverner et servir. Celle de sortir du culte des morts, pour entrer dans la promesse des vivants.

La dent de Lumumba porte cela : un avertissement contre la rupture entre peuple et pouvoir. Et un appel à retrouver l’axe perdu entre gouverner et servir. Celle de sortir du culte des morts, pour entrer dans la promesse des vivants. Celle de rompre avec la mémoire stérile, pour épouser la conscience fertile. Celle de ne plus demander à l’autre de nous définir, mais de nous redéfinir nous-mêmes. Par nos actes. Par notre parole. Par notre renaissance. Car cette dent incarne le moment où l’ancien monde s’effondre. Et où tout peut recommencer.

Conclusion

Une dent, une mémoire.
Une dent, une direction.
La dent de Lumumba n’est pas la fin.
Elle est le dernier avertissement avant naissance.
Elle n’est pas une relique.
Elle est un seuil. Et si nous la comprenons,
Alors, un jour, nous pourrons dire à la face du monde :
Vous nous avez laissé une dent. Nous avons reconstruit une colonne vertébrale. Et ce peuple que vous pensiez brisé…
Le voici debout.

Mufoncol Tshiyoyo, M.T., un homme libre

INGETA.

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