Par Mufoncol Tshiyoyo
Alors que le Qatar prétend organiser des concertations pour la paix au Congo, il est urgent de poser la question qui dérange. Que représente réellement cet émirat dans le jeu géopolitique international ? Pourrait-on parler de neutralité lorsque les mêmes conseillers, les mêmes parrains et les mêmes intérêts sont présents des deux côtés d’un chaos orchestré ? Et surtout : pourquoi personne ne voit que ce « hasard », entre guillemets, est en réalité une stratégie ?
On nous présente le Qatar comme un acteur bienveillant. Venu tout bonnement apporter sa fortune et son influence pour résoudre les conflits. Mais qui regarde derrière les apparences sait que le Qatar n’est pas un arbitre. Encore moins un acteur neutre. Jusqu’en 1971, l’émirat était un protectorat britannique. Son armée, ses services, sa diplomatie ont été construits sous l’œil de Londres. Aujourd’hui encore, les décisions stratégiques majeures qataries sont prises en cohérence avec les intérêts occidentaux, notamment anglo-saxons. En d’autres termes, le Qatar joue un rôle de courroie de transmission. Il offre le décor, pendant que le scénario est écrit sous d’autres cieux.
Tony Blair, ou l’art de conseiller les deux « camps »
L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair s’est d’abord affiché comme conseiller personnel de Paul Kagame, président rwandais accusé d’agression contre le Congo. Blair l’a accompagné dans sa stratégie d’image, de « modernisation », de rapports avec les « bailleurs » internationaux. Mais ce même Blair est ensuite venu proposer ses services à Kinshasa, avec la bénédiction de l’ancien « ministre » congolais des Finances.
Pourrait-on croire à l’impartialité de celui qui suggère de superviser les élections d’un pays en crise, tout en étant lié à ceux qui le déstabilisent ? Non. Il ne s’agit pas d’un accident, mais d’un dispositif de verrouillage. Le conflit est encadré, balisé, scénarisé.
Ce n’est pas un hasard si Tony Blair agit ainsi. L’homme applique, sur le terrain africain, la doctrine géopolitique formulée par son ancien conseiller Robert Cooper dans La fracture des nations. Ordre et chaos au XXIᵉ siècle (Paris : Denoël, 2004). Dans ce livre, Cooper affirme sans détour que dans les « régions prémodernes » comme l’Afrique, l’ingérence occidentale est non seulement légitime, mais nécessaire. Le chaos y est vu comme naturel. Et la souveraineté comme une récompense que seuls les forts méritent.
Dans ce cas, comment peut-on croire à un « hasard » lorsque le même homme prodigue ses conseils au supposé agresseur et à l’agressé ? Pourrait-on croire à l’impartialité de celui qui suggère de superviser les élections d’un pays en crise, tout en étant lié à ceux qui le déstabilisent ? Non. Il ne s’agit pas d’un accident, mais d’un dispositif de verrouillage. Le conflit est encadré, balisé, scénarisé.
Ce que révèle ce double jeu
Le message que révèle ce double jeu est clair. La souveraineté congolaise est devenue une variable gérable depuis l’extérieur. Les mêmes puissances qui ferment les yeux sur l’agression rwandaise prétendent organiser la réconciliation. Cela ne dérange personne au Congo. Les mêmes réseaux qui installent des régimes faibles proposent de les renforcer. Ce n’est pas de la diplomatie. C’est de la gestion coloniale à visage contemporain.
Non, ce n’est pas un hasard si le Qatar intervient. Non, ce n’est pas un hasard si Tony Blair « conseille » autant Kigali que Kinshasa. Non, ce n’est pas un hasard si les mêmes puissances demandent au Congo d’être calme pendant qu’on l’agresse. C’est une méthode. Celle qui fait taire les peuples, rend muets les dirigeants, instrumentalise les conflits, et décide à l’avance qui aura le droit de pleurer, qui aura le droit de parler et qui aura le pouvoir de gouverner.
Aujourd’hui, le Qatar reçoit des sujets congolais avec l’aval de Donald Trump. Demain, on nous dira que c’est pour « investir », « soutenir la paix » ou « accompagner la stabilité ». Ces concepts puissants ont pour fonction d’amadouer la victime consentante. Mais, posons la question que personne ne veut entendre. Depuis quand un État fabriqué par Londres, conseillé par Washington, serait-il neutre dans une guerre qui met en cause leurs propres intérêts ?
Ce n’est pas un hasard, c’est une méthode. Non, ce n’est pas un hasard si le Qatar intervient. Non, ce n’est pas un hasard si Tony Blair « conseille » autant Kigali que Kinshasa. Non, ce n’est pas un hasard si les mêmes puissances demandent au Congo d’être calme pendant qu’on l’agresse.
C’est une méthode. Celle qui fait taire les peuples, rend muets les dirigeants, instrumentalise les conflits, et décide à l’avance qui aura le droit de pleurer, qui aura le droit de parler et qui aura le pouvoir de gouverner.
Mufoncol n’écrit ni pour plaire ni pour faire plaisir. Il écrit pour dire, pour alerter, pour rompre le confort du silence. Il assume sa liberté comme il l’entend, sans permission ni révérence, parce qu’il se devait de parler.
Mufoncol Tshiyoyo, M.T.
Président du Mouvement R.A.P. (Refus – Affirmation – Puissance)
Fondateur du think tank « La Libération par la Perception, LP »
Auteur de Les Lois Invisibles – Anatomie des puissances et du chaos exporté (sous impression).