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L’Est ou la Nation : le fusil comme acte fondateur

L’Est ou la Nation : le fusil comme acte fondateur

L’Est ou la Nation : le fusil comme acte fondateur 734 490 Ingeta

Par Mufoncol Tshiyoyo

« Le pouvoir est au bout du fusil. » – Mao Zedong

Mao l’avait dit sans détour. Ce n’était pas une métaphore. C’était une vérité nue, brutale, cruelle. Mais « fondatrice ». Le pouvoir, le « vrai », ne réside pas dans les discours, dans les logos des institutions ni dans les cérémonies. Il réside dans la capacité à imposer un ordre, à faire plier le silence, à délimiter ce qui est tien et ce qui ne l’est pas.

Au Congo, cette vérité prend un relief éclatant. Celui qui tiendra l’Est du pays tiendra le pays. Et inversement. Tant que l’Est échappera à la souveraineté réelle, la Nation entière restera suspendue, fictive, amputée.

L’occupation comme vérité du pouvoir

Depuis des décennies, l’Est du Congo n’est pas simplement une zone de conflit. Il est le théâtre permanent d’une reconfiguration du pouvoir. Les groupes armés, les forces rwandaises ou leurs proxies, les milices instrumentalisées, les mercenaires économiques : tous savent que l’enjeu n’est pas local, mais national. Ceux qui occupent aujourd’hui Goma ou encore Bukavu n’ont pas besoin de proclamer leur victoire. Le silence de Kinshasa la consacre déjà. On peut bien proclamer la souveraineté dans des discours ; mais si le sol est tenu par d’autres, la proclamation devient un acte de soumission travesti en fierté.

On peut bien proclamer la souveraineté dans des discours ; mais si le sol est tenu par d’autres, la proclamation devient un acte de soumission travesti en fierté.

L’Est n’est pas une région : c’est une frontière vitale. L’Est n’est pas une périphérie. C’est la ligne de faille qui définit si le Congo est une entité souveraine ou un espace ouvert à la prédation. Celui qui tient l’Est peut non seulement couper la colonne vertébrale du pays, du nord au sud, mais aussi dicter la forme du pouvoir central : sa marge de manœuvre, son langage, ses maîtres.

Pendant ce temps, le Congo officiel continue à discourir, à signer des accords, à quémander la paix comme on mendie un répit, à épier sans relâche les sorties médiatiques du Libanais, conseiller ou pas de Donald Trump. Cependant, la guerre, elle, redessine toujours la carte. Pas sur papier. Sur le terrain.

Intermède historique : l’Est, foyer de toutes les bascules

L’histoire du Congo est sans appel. Le contrôle militaire de l’Est a toujours précédé une refondation du pouvoir central. Ce n’est pas une hypothèse : c’est une constante géopolitique.

Le pouvoir congolais se gagne ou se perd par l’Est. Et ce n’est pas un hasard. C’est un modèle structuré, pensé, exporté. Le schéma anglo-saxon considère l’Est comme l’assiette de conquête du pouvoir national. Pas parce qu’il est symbolique. Mais parce qu’il est stratégique : frontalier, instable, riche, militarisable.

— Mobutu, l’agent américain, l’a compris dès les années 1960. Face aux rébellions mulelistes soutenues depuis l’Est, il a engagé une guerre totale. Il savait que la reconquête de Kisangani, Kindu ou Bukavu n’était pas simplement une affaire de sécurité, mais la condition même de sa prise de pouvoir et de sa légitimation ultérieure. Sans cela, pas de Zaïre, pas de règne.
– Laurent Désiré Kabila, en qui je n’ai jamais cru, a, en 1996, fait le chemin inverse. Depuis l’Est, sous la houlette de la fameuse AFDL, « il » a amorcé la prise du pouvoir en marchant sur Kinshasa. « Il » ne s’est pas appuyé sur une légitimité électorale, mais sur une logique militaire, soutenue par des puissances anglo-saxonnes à travers des proxies rwandais, ougandais, angolais, burundais… La chute de Mobutu a commencé à l’Est. Pas dans les urnes.

Ces deux épisodes opposés disent la même chose. Le pouvoir congolais se gagne ou se perd par l’Est. Et ce n’est pas un hasard. C’est un modèle structuré, pensé, exporté. Le schéma anglo-saxon considère l’Est comme l’assiette de conquête du pouvoir national. Pas parce qu’il est symbolique. Mais parce qu’il est stratégique : frontalier, instable, riche, militarisable.

Le pouvoir ne se décrète pas, il s’arrache.

Un pouvoir congolais installé par l’Est est plus malléable, plus dépendant, plus redevable. Ce modèle a été rodé. Il a ses corridors, ses relais, ses accords secrets, ses justifications diplomatiques. Et chaque fois que le pouvoir à Kinshasa échappe à cette logique, des tensions apparaissent, des sanctions tombent, des « rébellions » surgissent.

Les Congolais vivent dans l’illusion d’un pouvoir qui se gagne par la « démocratie », par la réforme, par l’attente. Mais ceux qui sont en face n’attendent pas. Ils avancent. Ils tirent. Ils négocient, fusil à la main. Ils parlent d’économie, mais sécurisent d’abord leurs routes militaires.

L’Est est donc à la fois le ventre mou du Congo et la porte d’entrée des ambitions extérieures. Et tant que ce couloir restera ouvert, le pays restera soumis. Pour le comprendre, on n’a pas à attendre cinq années ou six années de gestion de pouvoir.

Les Congolais vivent dans l’illusion d’un pouvoir qui se gagne par la « démocratie », par la réforme, par l’attente. Mais ceux qui sont en face n’attendent pas. Ils avancent. Ils tirent. Ils négocient, fusil à la main. Ils parlent d’économie, mais sécurisent d’abord leurs routes militaires. Ils exploitent le coltan, mais contrôlent les collines. Ils sourient, mais ne désarment pas.

Qui peut ignorer que le Rwanda, petit pays enclavé, est aujourd’hui un proxy puissance régionale uniquement grâce à sa capacité militaire à tenir l’Est ? Et pourtant, aucune puissance extérieure ne le condamne sérieusement, parce que ce que l’on respecte dans ce monde, ce n’est pas la justice, mais la force qui l’impose.

Il n’y aura pas de Nation sans reconquête. Pas d’État sans colonne vertébrale militaire. Pas d’ordre sans une capacité stratégique à défendre chaque mètre de sol. Ce n’est pas un appel à la violence aveugle. C’est le rappel d’une loi historique universelle : toute souveraineté commence par la maîtrise du territoire. Pas par des communiqués. Pas par des hommages. Pas par des ONG. Mais par des hommes debout, armés d’une vision, d’un fusil, et d’un peuple à protéger.

Conclusion : inverser la logique du fusil à Kinshasa

Mais il y a une erreur que nous ne commettrons plus : croire que le théâtre de la reconquête nous sera imposé. Les stratèges anglo-saxons ont instauré un modèle : prendre l’Est pour dicter le pouvoir à Kinshasa. Ils y ont entraîné leurs proxies, appuyé leurs hommes, financé leurs routes. Mais ce modèle n’est pas une loi divine. Il peut être brisé. Il peut être inversé.

Nous devons prendre le pouvoir à Kinshasa pour refonder la nation tout entière. Non pas pour y planter un autre décor. Mais pour y faire naître une force souveraine qui remonte vers l’Est, pacifie par la volonté, stabilise par la stratégie, et impose l’ordre par la force. La capitale n’est pas une cage dorée. Elle peut devenir une base d’opérations, un cœur révolutionnaire, un centre de rayonnement géopolitique.

Nous pouvons, nous devons prendre le pouvoir à Kinshasa pour refonder la nation tout entière. Non pas pour y planter un autre décor. Mais pour y faire naître une force souveraine qui remonte vers l’Est, pacifie par la volonté, stabilise par la stratégie, et impose l’ordre par la force. La capitale n’est pas une cage dorée. Elle peut devenir une base d’opérations, un cœur révolutionnaire, un centre de rayonnement géopolitique.

Et si l’on veut refuser l’humiliation permanente, il n’y a qu’une seule règle à intégrer. Soit, on garde le pouvoir par la force. Soit, on le perd par le fusil.

 

Mufoncol Tshiyoyo, M.T.
L’Étincelle, un homme libre
Pour (Lp) – La Libération par la Perception
R.A.P. – Réarmement de l’Âme et du Peuple

INGETA.

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