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Les hommes androïdes, la chute de Zelensky et les leçons africaines de la mécanique du remplacement…

Les hommes androïdes, la chute de Zelensky et les leçons africaines de la mécanique du remplacement…

Les hommes androïdes, la chute de Zelensky et les leçons africaines de la mécanique du remplacement… 1656 1060 Ingeta

Par Mufoncol Tshiyoyo

Seymour Hersh, ce géant du journalisme d’investigation qui dévoila le massacre de Mỹ Lai au Viêt Nam , les tortures d’ Abou Ghraib et tant d’autres vérités enfouies, vient de publier un article au titre évocateur : The End for Zelensky? Washington wants the Ukrainian president to leave office — will it happen? En français courant : La fin pour Zelensky ? Washington veut que le président ukrainien quitte ses fonctions. Cela arrivera-t-il ?

Que cela se produise ou non, le fait même que les Saxons semblent discuter de l’avenir de Kiev directement avec Moscou montre à quel point ils attachent peu d’importance à des pions qu’ils ont eux-mêmes façonnés.

Il serait naïf d’y voir une rumeur ou une spéculation. Ce que Hersh livre ici, c’est un constat glacé, implacable. Volodymyr Zelensky, qui ne jurait que par les Saxons, se retrouve aujourd’hui dépossédé de son destin. Une erreur classique : lorsque la faiblesse et la dépendance incitent un dirigeant à placer tous ses œufs dans un seul panier.

C’est en lisant cet article que m’est venue l’idée de ce texte. Car ce qui risque de se jouer aujourd’hui à Kiev n’est pas un simple épisode politique : c’est l’illustration parfaite d’un mécanisme universel que nous avons nommé « la mécanique du remplacement ». Ce mécanisme ne se limite pas à l’Ukraine : il traverse continents, régimes et époques. Et il frappe aussi l’Afrique, parfois avec encore plus de brutalité.

Anthropologie politique de la dépossession

Nous ne vivons plus seulement à l’ère des trahisons, des coups d’État et des compromissions. Nous sommes entrés dans une transformation anthropologique plus radicale : celle des hommes androïdes. Le concept d’hommes androïdes que nous développons ici est une création originale. Il ne s’agit pas d’une métaphore importée, mais d’un outil d’analyse forgé pour comprendre la dépossession politique contemporaine.

Nous ne vivons plus seulement à l’ère des trahisons, des coups d’État et des compromissions. Nous sommes entrés dans une transformation anthropologique plus radicale : celle des hommes androïdes… Ce ne sont plus des hommes politiques au sens plein du terme, porteurs de vision, de conflit intérieur et de stratégie. Ce sont des produits finis, calibrés pour exécuter un programme conçu ailleurs. Leur logiciel est écrit hors de leurs frontières.

Ce ne sont plus des hommes politiques au sens plein du terme, porteurs de vision, de conflit intérieur et de stratégie. Ce sont des produits finis, calibrés pour exécuter un programme conçu ailleurs. Leur logiciel est écrit hors de leurs frontières. On les programme pour réciter un récit, gérer un budget, signer des accords, occuper l’écran. Ils sont le visage humain d’un pilotage à distance.

Ces hommes androïdes ne naissent pas du hasard. Ils sont produits par une sélection minutieuse opérée par les puissances qui tiennent les clés militaires, financières et médiatiques. Leur valeur ne réside pas dans leur indépendance, mais dans leur docilité calibrée. Trop indépendants, ils deviennent incontrôlables. Trop serviles, ils perdent toute crédibilité. Il faut qu’ils paraissent diriger, tout en obéissant aux signaux invisibles venus d’ailleurs.

Leur erreur tragique, et Zelensky en est l’archétype, est de croire qu’ils tiennent réellement le gouvernail. Ils oublient qu’ils sont des interfaces, pas des capitaines. Leur survie politique ne dépend pas de leur peuple dans le cadre du système, mais de ceux qui peuvent, à tout moment, fermer le programme ou changer d’opérateur.

Hors de ce système, toutefois, un peuple outillé, conscient et stratégiquement organisé peut accomplir des prouesses encore plus éloquentes : renverser la dynamique du système, briser la programmation et reprendre le contrôle de son destin. Au Congo, nous y parviendrons, car notre objectif n’est pas de mendier une place dans le système, mais de bâtir notre propre centre de gravité, là où le destin se décide par nous et pour nous.

The Economist : langue et audition de l’empire

À l’automne 2023, Valerii Zaluzhnyi, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, déclarait dans The Economist que la guerre était devenue une « impasse ». Trois mois plus tard, il était limogé. Mais plutôt que d’être envoyé à la retraite, il fut nommé ambassadeur à Londres. Pourquoi Londres ? Parce que la capitale britannique, depuis l’époque coloniale, est un théâtre feutré de successions silencieuses.

Parler à The Economist, c’est envoyer un signal aux stratèges de l’OTAN, aux décideurs de Wall Street et aux élites de Bruxelles et Washington : « Je suis fiable, je peux incarner la suite. »Ne vous y trompez pas : une interview de ce niveau n’est jamais seulement une prise de parole. C’est un message codé, calibré pour des oreilles précises.

Pour ceux qui ont servi l’ordre occidental sans être totalement disqualifiés, elle offre la dignité provisoire d’un exil valorisé, tout en servant de rampe de lancement vers un retour au pouvoir. Zelensky, affaibli, voyait son potentiel successeur installé non pas à Kiev ni à Bruxelles, mais sur les rives de la Tamise, comme autrefois on formait, depuis Londres, gouverneurs coloniaux et chefs d’État suppléants.

L’interview de Zaluzhnyi dans The Economist n’est pas un acte neutre. Ce média, organe de la classe dirigeante transatlantique, sert autant à penser qu’à annoncer. Parler à The Economist, c’est envoyer un signal aux stratèges de l’OTAN, aux décideurs de Wall Street et aux élites de Bruxelles et Washington : « Je suis fiable, je peux incarner la suite. »

Ne vous y trompez pas : une interview de ce niveau n’est jamais seulement une prise de parole. C’est un message codé, calibré pour des oreilles précises. Le choix du média, la date, le ton, les mots choisis, tout est pensé pour atteindre une cible, souvent invisible au grand public.

Et c’est là la règle d’or : chaque fois qu’un responsable politique parle dans un média donné, demandez-vous à qui il parle vraiment et quel signal il envoie. Si vous ne décodez pas, vous restez dans le public, et le public ne décide jamais rien.

Washington décide, Kiev exécute

Pendant que Zelensky remaniait ministres, gouvernements et ambassadeurs, persuadé que ces gestes changeraient la donne, Washington préparait déjà l’après. Selon Hersh, une « liste restreinte pour l’exil » existait. Si Trump revenait à la Maison-Blanche — et il est revenu —, Zelensky partirait volontairement ou non. Il croyait tenir le gouvernail, mais il n’était qu’un serviteur zélote à qui les attributs du pouvoir étaient prêtés.

Ces dirigeants qui s’agitent ainsi, croyant gouverner parce qu’ils déplacent des pions, sont les frères jumeaux de Zelensky. La vraie scène du pouvoir n’est pas sous leurs pieds, mais dans des salons feutrés où l’on décide, loin des peuples, qui reste et qui disparaît.

Ce théâtre n’est pas propre à l’Ukraine. Le Congo aussi vit dans cette illusion. Un « leadership » visible, mais dont les décisions n’ont aucun effet sur l’Est occupé. Des décrets et remaniements qui ne changent rien, car le pouvoir réel est ailleurs : dans des chancelleries étrangères, chez les investisseurs, dans les états-majors d’autres capitales. La preuve : lorsqu’on cherche à savoir ce qui se passe à l’Est du Congo, certains « chanteurs » vous renvoient aux États-Unis, écoutent religieusement les interviews de Libanais pour y trouver des réponses, et se contentent de répéter ce qu’ils entendent.

Ces dirigeants qui s’agitent ainsi, croyant gouverner parce qu’ils déplacent des pions, sont les frères jumeaux de Zelensky. La vraie scène du pouvoir n’est pas sous leurs pieds, mais dans des salons feutrés où l’on décide, loin des peuples, qui reste et qui disparaît. Alors, qui dirige vraiment, et quoi en réalité ?

Leçons pour l’Afrique

Ce que l’Ukraine montre, c’est la mécanique universelle du remplacement sous tutelle. On fabrique, on active, on met à jour, puis on désactive un dirigeant.

Refuser d’être un androïde politique, c’est rompre avec la programmation, reconquérir la souveraineté non pas comme discours, mais comme pouvoir effectif. C’est accepter de perdre l’onction des salons de l’empire pour gagner la légitimité des peuples.

En Afrique, et particulièrement au Congo, la même logique prévaut : tant que les puissances extérieures contrôlent les leviers militaires, financiers et médiatiques, les « hommes d’État » restent des interfaces. Et tant que les peuples confondent changement de visage avec changement de régime, la dépossession se perpétue.

Refuser d’être un androïde politique, c’est rompre avec la programmation, reconquérir la souveraineté non pas comme discours, mais comme pouvoir effectif. C’est accepter de perdre l’onction des salons de l’empire pour gagner la légitimité des peuples. C’est, surtout, ne plus accepter que notre destin soit écrit ailleurs.

Zelensky a commis l’erreur stratégique que mon mentor en géostratégie ne cessait de rappeler : ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier — surtout lorsque le panier sent le Texan et appartient à la canaille. En se livrant entièrement à Washington et à l’OTAN, il a rendu sa chute inévitable. Des « dirigeants » africains commettent souvent la même faute, et l’histoire leur réserve le même sort.

 

Mufoncol Tshiyoyo
M.T., L’Étincelle, un homme libre
Président du Mouvement R.A.P. (Refus – Affirmation – Puissance)
Fondateur du Think Tank La Libération par la Perception

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