Par Jean-Pierre Mbelu
« C’est d’avoir rien n’appris et d’être encore à la répétition de la renonciation à soi qui doit être sans cesse dévoilé, manifesté. C’est la tradition de mort et de l’aliénation qu’il y a à percevoir et à combattre. » F. E. BOULAGA
Pour certains pays travaillant sur « la mémoire longue », il y a des passés qui ne passent pas. Des pays épris de justice et respectueux de la dignité de leurs ressortissants s’engagent sur le court, le moyen et le long terme pour examiner des crimes imprescriptibles commis à leur endroit afin d’éviter la récidive. Ils tiennent à dire le droit et à leur rendre justice.
En Espagne, après le juge Mereles, José Luis Calama revient sur les crimes commis à l’endroit de ses compatriotes dans les années 1990 au Rwanda et au Kongo. Il lance des mandats d’arrêts à l’endroit de Kayumba Nyamwasa. Pour la justice espagnole, il n’est pas question que ces crimes demeurent impunis. Il serait souhaitable que la justice kongolaise (ou ce qu’il en reste) coopère avec elle.
Un juge espagnole lance des mandats contre Kayumba Nyamwasa
Au début de la guerre raciste et de prédation orchestrée dans les Grands Lacs Africains, des ressortissants espagnols avaient été tués au Rwanda et au Kongo-Kinshasa. « Dans le cadre d’un procès historique de compétence universelle, l’Espagne a inculpé 40 responsables militaires du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir en 2008 pour génocide, crimes contre l’humanité et terrorisme datant des années 1990, pendant et après le génocide rwandais. »
Trente-cinq après le meurtre de neuf Espagnols au Rwanda et au Kongo-Kinshasa, la justice espagnole revient à la charge et demande des comptes. Coopérer avec ce pays pourrait être d’un apport certain à la justice transitionnelle kongolaise. Pourquoi ? Plusieurs crimes commis sur le sol kongolais depuis les années 1990 n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque jugement devant les cours et les tribunaux kongolais et « internationaux ».
Pour les amnésiques des Grands Lacs Africains, « l’affaire découlait initialement des meurtres de neuf ressortissants espagnols au Rwanda et en République démocratique du Congo voisine, mais s’est ensuite élargie pour poursuivre des responsables du FPR pour des crimes de guerre plus graves contre des milliers de civils rwandais et congolais. Malgré les inculpations, aucun des accusés n’a jamais été extradé vers l’Espagne pour y être jugé, car les responsables rwandais, y compris le président Kagame, ont bénéficié d’un large soutien international et d’une couverture juridique depuis leur prise de pouvoir en 1994. [1]» Mais, les juges espagnols, eux, n’ont pas baissé les bras. Depuis juillet 2025, des mandats d’arrêt internationaux et européens contre l’un des responsables du FPR, aujourd’hui en exil, Kayumba Nyamwasa, ont été émis par le juge espagnol José Luis Calama.
Trente-cinq (35) après le meurtre de neuf (9) Espagnols au Rwanda et au Kongo-Kinshasa, la justice espagnole revient à la charge et demande des comptes. Coopérer avec ce pays pourrait être d’un apport certain à la justice transitionnelle kongolaise. Pourquoi ? Plusieurs crimes commis sur le sol kongolais depuis les années 1990 n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque jugement devant les cours et les tribunaux kongolais et « internationaux ». Et le faux « pacte républicain » de Sun City a facilité l’intégration des responsables des crimes imprescriptibles dans les institutions d’un Kongo mis sous la tutelle de l’ONU.
Les choses se seraient peut-être passées différemment si la Commission (Justice), Vérité et Réconciliation mise sur pied après Sun City avait été opérationnelle. Cela n’a pas été le cas. Et les institutions du pays infiltrées par les criminels présumés l’ont sérieusement affaibli au point de produire, au coeur de l’Afrique, « un Etat raté » curieusement dénommé « une démocratie ».
Coopérer avec la justice espagnole
Cette « démocratie » aux criminels non jugés voit certains (parmi eux) (re)prendre publiquement la parole et promettre de signer des « pactes diaboliques » afin de participer à la balkanisation et à l’implosion du pays. Pourquoi sont-ils toujours disposés à passer du faux « pacte républicain » de Sun City aux vrais « pactes diaboliques » afin de mettre le pays en coupes réglées ? Parce qu’ils n’ont pas été jugés, ne fût-ce que pour qu’ils prouvent leur innocence. Mwenga, Kasika, Makobola ne semblent plus dire grand-chose à plusieurs « hauts gradés » de leurs rangs ayant trempé dans le crime. Ils jouissent de l’impunité. Ils ont signé un pacte avec le diable, avec le mal.
La poursuite de la justice transitionnelle et un retour au rapport Mapping sont plus que souhaitables. Surtout en ce moment où l’un des acteurs ayant veillé à sa publication en 2010 est « aux affaires ». Il est Ministre de la justice. Coopérer avec l’Espagne dans la gestion de ce dossier est à conseiller.
Et les populations massifiées n’ayant pas « la mémoire longue » les applaudissent. Elles ont oublié et/ou ne savent rien de leurs crimes présumés.
Qu’il y ait déjà un mémorial pour les Kongolais(es) génocidées dans la capitale kongolaise est un pas important vers la conservation et la protection de « la mémoire longue ». La célébration du 02/08 est un plus dans la même direction. La poursuite de la justice transitionnelle et un retour au rapport Mapping sont plus que souhaitables. Surtout en ce moment où l’un des acteurs ayant veillé à sa publication en 2010 est « aux affaires ». Il est Ministre de la justice.
Coopérer avec l’Espagne dans la gestion de ce dossier est à conseiller. Surtout au Kongo-Kinshasa où presque tout le monde prie, lit la Bible et croit que « la justice élève une nation ». Rendre justice aux millions de morts kongolais est un devoir et une obligation patriotiques.
Babanya
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[1] Ces citations sont extraites de la traduction française de cet article »Spain revives war crimes case against Rwandan military figure – Canadian Dimension » de Judi Rever. Pour ceux et celles qui l’auraient oublié, Judi Rever est l’autrice d’un magnifique livre intitulé Rwanda. L’éloge du sang, Paris, Max Milo, 2020, 475p.