• IDEES & RESSOURCES POUR REINVENTER LE CONGO

Le gouvernement Suminwa II et l’illusion kongolaise

Le gouvernement Suminwa II et l’illusion kongolaise

Le gouvernement Suminwa II et l’illusion kongolaise 1920 1279 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Qui veut savoir saura, qui veut ignorer niera toutes les évidences qui lui seront apportées, fussent-elles des preuves irréfutables. »
– J.-M. JACQUEMIN- RAFFESTIN

Des « communicateurs » fâchés. Des militants fanatisés et massifiés dépités. Des pasteurs-prophètes indignés. Telles ont été quelques réactions lues et/ou entendues après la sortie du gouvernent Suminwa II. En rire ou en pleurer ? C’est selon…

La pluie, le fleuve et les ruptures

Plusieurs « communicateurs » ont cru, qu’à force d’aboyer sur les réseaux sociaux tout en se livrant au culte de certaines personnalités politicardes du pays, leurs rêves allaient magiquement se transformer en réalité. Ils se sont convaincus qu’en tout et pour tout, ils sont écoutés dans « les hauts lieux » de la gestion du « pouvoir-os ». La sortie du nouveau gouvernement les place face à leurs rêves dystopiques. Alors, ils se mettent à crier un peu plus fort. Ils se convainquent davantage qu’en 2028, un miracle va s’opérer : Fatshi va rendre son tablier et que c’est quelqu’un issu du peuple et mûr par le désir profond de servir le peuple qui reprendra les rênes du pouvoir. Comme si Fatshi était tout le sous-système au sein duquel évolue le pays. Myopie ? Ignorance ou envoûtement ?

Plusieurs « communicateurs » ont cru, qu’à force d’aboyer sur les réseaux sociaux tout en se livrant au culte de certaines personnalités politicardes du pays, leurs rêves allaient magiquement se transformer en réalité. Ils se sont convaincus qu’en tout et pour tout, ils sont écoutés dans « les hauts lieux » de la gestion du « pouvoir-os ». La sortie du nouveau gouvernement les place face à leurs rêves dystopiques.

Des militants politiques fanatisés et massifiés et n’ayant eu comme rôles que d’être les thuriféraires, les tambourinaires et les applaudisseurs de leurs « mopao » n’en peuvent plus. Ils se sentent trahis et non représentés. Ils sont habités par le sentiment de reniement. Quitter leurs partis est leur souhait. Pour aller où ? Peut-être pour rejoindre les pantins des nègres de service des pays voisins. C’est-dire fuir la pluie afin de se noyer dans un fleuve…

Des pasteurs-prophètes estiment eux aussi que ce gouvernement n’est pas représentatif des intérêts du peuple. Ils voudraient que 2028 approche à pas de géant. Pour faire quoi ? Pour choisir les meilleurs d’entre les Kongolais(es) pouvant rapidement bâtir un pays plus beau qu’avant.

Est-ce possible d’arriver à tous ces résultats souhaités sans des sérieuses ruptures : rupture avec « les communications » flatteuses ; rupture avec la culture de la médiocratisation et le culte de la personnalité ; rupture avec la massification des populations à la base de la société kongolaise ; rupture avec une indignation sans action, etc. ?

Est-ce possible d’arriver à tous ces résultats souhaités sans une remise en question profonde du gouvernement représentatif dans son fonctionnement actuel ? Faudrait-il être un grand clerc pour se rendre à l’évidence, qu’à quelques exceptions près, une oligarchie ploutocratique composée de « filles » et de « fils de » se remet en place au coeur de l’Afrique et promeut ses propres intérêts en se reproduisant et en clientélisant ? Et qu’elle joue le rôle des  »hommes et des femmes androïdes », comme dirait Mufoncol Tshiyoyo ?

Des collectifs porteurs des intérêts

Dans un pays où tout le monde ou presque soutient, à la suite de de Gaulle, qu’entre les Etats il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des intérêts -une thèse discutable-, comment ces Kongolais(es) déçu(e)s ne peuvent-ils(elles) pas s’appliquer à eux (elles)-mêmes ce principe et en tirer toutes les conséquences possibles et imaginables ? Pourquoi ces compatriotes ne pensent-ils pas que le sous- système du gouvernement représentatif ayant marqué ses limites, ils pourraient s’organiser autrement en créant des collectifs citoyens interconnectés, porteurs de leurs intérêts et capables de les défendre aux niveaux local, provincial, national et régional ?

Se plaindre ne suffit pas. S’indigner sans s’engager risque d’être un non-sens. Se mettre à l’école de « la tradicratie ouverte » peut être une issue.

Pourquoi veulent-ils que les autres défendent leurs intérêts à leur place ? Ouvrir le cerveau. Fermer la télé. Prendre régulièrement congé des réseaux sociaux et des émissions organisées quotidiennement sans se nourrir aux sources de la vie bonne. Lire et relire. Acquérir suffisamment de lucidité et de discernement. Voilà ce qui pourrait conduire à la refondation de ce plus grand pays de l’Afrique centrale par ses dignes filles et fils.

Se plaindre ne suffit pas. S’indigner sans s’engager risque d’être un non-sens. Se mettre à l’école de « la tradicratie ouverte »[1] peut être une issue. Les pays s’étant imprégnés de leur traditionalisme héroïque s’en tirent de mieux en mieux. A force de persévérer et de se vouloir souverains.

Des collectifs fondés sur les principes du mandat impératif et de la subsidiarité peuvent faire l’affaire et rompre avec la massification et l’attentisme. Ils peuvent sortir de l’illusion d’un homme providentiel et allier « force matérielle » structurante et « force morale » accompagnatrice et valorisante. Ils auraient l’avantage de prendre appui sur la tradition kongolaise des « tutunga » (pays en miniatures) et des « tupangu » (espaces matériels et sociaux à taille humaine de concertation et de dialogue permanents) et s’inscriraient dans la promotion assidue des valeurs bomotoïsantes de la vérité, de la justice et de la solidarité.

Conclusion: l’illusion kongolaise

L’illusion kongolaise poussant plusieurs compatriotes à croire qu’ils finiront par avoir, comme par enchantement, un gouvernement représentatif de tous leurs intérêts collectifs sans un travail des collectifs citoyens à la base de la société relève des imaginaires violés par « la sorcellerie capitaliste » grâce à son « soft », son « smart » et son « hard power ». Plus d’une trentaine d’années de guerre, c’est incapacitant, c’est impuissantant. Seuls des courageux résistants, des tenaces résilients et les têtus insoumis et des relayeurs acharnés peuvent penser les pratiques citoyennes collectives de désenvoûtement et de déreprésentation. Cela prend beaucoup de temps et beaucoup d’énergie. Car, les grands changements pensés sont moléculaires, imperceptibles. Sur le court, moyen et long terme, il y a une urgence : rompre avec la pensée magique et regarder la réalité en face. La dystopie est un naufrage.

Babanya Kabudi
—-

[1] Lire J.-P. MBELU, Toyokana. Eloge de la parole partagée & de la tradicratie, Paris, Congo Lobi Lelo, 2025.

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

Proposer un lieu unique de décryptage, de discussion et de diffusion des réalités et perspectives du Congo-Kinshasa.

Aiguiser l’esprit critique et vulgariser les informations sur les enjeux du Congo, à travers une variété de supports et de contenus (analyses, entretiens, vidéos, verbatims, campagnes, livres, journal).