Par Jean-Pierre Mbelu
« Comme le disait Lucky Dube, un rasta man et un grand résistant contre l’apartheid en Afrique du Sud, mort tragiquement: l’éducation et la culture aident à une ouverture d’esprit. Car comprendre c’est aussi résister. » – RADEK SUPREME
Depuis quelques années déjà, les jeunes kongolais se lèvent à travers plusieurs pays du monde et au cœur de l’Afrique et parlent individuellement et collectivement à leurs morts au coeur de la guerre de prédation et de basse intensité menée contre leur pays par « l’impérialisme intelligent » par des proxies africains et kongolais interposés. Ces jeunes kongolais se mettent debout pour lutter contre l’amnésie et partagent un message dans leurs quatre (4) langues vernaculaires et en français.
Ce message le voici : « Na kobosana bango te », « Tshia kunupua moyo to », « Mu ta vila beno ve », « Sita wa sahabu », « Je ne vous oublierai jamais »
Poursuivre la lutte
Que peut bien signifier profondément ce message ? Pourquoi ces jeunes estiment-ils qu’oublier leurs morts tragiquement sur la terre de leurs ancêtres n’est pas permis ? Ce message sonne comme un cri de ralliement. Des jeunes kongolais refusent que les leurs soient morts pour rien. C’est comme s’ils disaient : « Vous avez été lâchement et injustement trucidés. La meilleure façon de vous pleurer, comme le chante si bien Radek Suprême, c’est de poursuivre votre lutte. C’est de rester debout. Au front. Ce front est pluriel. Il est intérieur. Il est extérieur. Il passe par les livres. Par l’écriture et l’oraliture.
Ce front est pluriel. Il est intérieur. Il est extérieur. Il passe par les livres. Par l’écriture et l’oraliture.
Partout, à travers le monde, les jeunes kongolais se mettent debout. Il y a là un beau présage pour l’avenir. Ces jeunes kongolais semblent donner raison à Lumumba qui disait, dans sa lettre à Pauline : « Je sais et je sens au fond de moi même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur. »
Radek Suprême est l’un de ces jeunes décidés à poursuivre la lutte commencée par leurs aïeux et pour laquelle Thérèse Kapangala, Mamadou Ndala, Rossi Mukendi, Serge Maheshe, Luc Nkulula et bien d’autres ont versé leur sang.
Mettre à nu la complicité du peuple massifié
Radek Suprême ayant compris cela a choisi de lutter à mains nues et n’a pas peur de la mort et de la prison. Il le fait si bien qu’il évoque quelques-uns de ses frères et soeurs assassinés en citant le nom de leur bourreau à travers un disque d’une beauté inégalée (RADEK SUPREME REPOSEZ EN PAIX) Lui, Radek Suprême, donnant l’exemple, a décidé de s’en prendre au système fabricant cette tragédie en donnant à la musique kongolaise devenue l’opium de ses frères et soeurs une dimension luttante à ses dépens.
Il est temps que les Kongolais se lèvent pour effacer cette image du Kongo de la honte.
Il a compris que lutter n’a rien à avoir avec faire le buzz et avoir des comptes bien garnis en banque. Avec son aîné Jean-Goubald Kalala, ils sont convaincus que leur peuple n’est pas victime mais complice de sa descente aux enfers. « Il élit des voleurs, des bandits de grand chemin, ces politiciens qui n’ont aucune valeur, sans convictions et (ayant) des ambitions pécuniaires. » (RADEK SUPREME: POLITIQUE (feat JEAN GOUBALD) ) Ils doivent s’être rendus compte qu’une bonne partie de ce peuple massifié ayant fui l’école, l’écriture et la lecture peut être sortie de son sommeil dogmatique par l’orature dont fait partie la musique engagée patriotiquement. Avec Jean-Goubald, Radek Suprême est convaincu « qu’il est temps que les Kongolais se lèvent pour effacer cette image du Kongo de la honte. »
Donc, ne pas oublier les victimes de la guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Kongo-Kinshasa, c’est aussi cela : se livrer à une introspection, à un sérieux examen de conscience, à »une sérieuse kombolisation », comme dirait Marie José Ifoku, pour reconnaître la part des ennemis internes et celle des populations massifiées et devenues leurs thuriféraires, leurs applaudisseurs, leurs fanatiques et leurs tambourinaires. (à suivre)
Babanya Kabudi