• IDEES & RESSOURCES POUR REINVENTER LE CONGO

Et si Paul Kagame était un leader très faible ?

Et si Paul Kagame était un leader très faible ?

Et si Paul Kagame était un leader très faible ? 2048 1572 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Le mécanisme compradore, le contrôle des pays par des élites locales corrompues, ce n’est pas un effet secondaire, c’est le principe même sur lequel est basé le contrôle de ces États. »
– Luboš Blaha

Mise en route

La guerre d’usure est une misère. Elle peut détruire toute confiance en soi. Elle peut conduire à l’autoflagellation et développer le syndrome de Stockholm ou du larbin là où elle fait des victimes. D’ailleurs, c’est l’une de ses objectifs en dehors du fait qu’elle n’est qu’un racket.

La guerre d’usure est une misère. Elle peut détruire toute confiance en soi. Elle peut conduire à l’autoflagellation et développer le syndrome de Stockholm ou du larbin là où elle fait des victimes.

Depuis les années 1990, plusieurs kongolais sont exposés aux dangers susmentionnés. Ils lisent. Ils écrivent. Ils font des commentaires sur les réseaux sociaux. Souvent, ils ont tendance à se dévaloriser. Pourtant, ils font montre d’une certaine bravoure. Contre vents et marées, ils ont un pays qui résistent encore à sa balkanisation et à son implosion effectives.

Malheureusement, la guerre d’usure est passée par là. Elle a produit l’hédonisme consumériste. Elle a exacerbé l’individualisme. Les kongolais « cartésiens » se sont enfermés dans leur ego. Ils ne se laissent pas affectés par l’empathie, par la sympathie, par la compassion et tout ce qui a trait à l’intelligence du coeur. Rationalistes, ils ont renoncé à la raison sensible et l’idéal collectif.

Ils lisent Montesquieu et Machiavel sans en étudier « la métapolitique ». Ils ont renoncé à la tradicratie ouverte. Ils ont plié sous le joug de l’hégémonie culturelle dominante. Les voilà en train de chanter les louanges d’un leader très faible de l’un de petits pays de l’Afrique des Grands Lacs. Syndrome de Stockholm oblige.

Des rapports antagonistiques

Beaucoup de politiciens et aspirants politiciens kongolais aiment lire Machiavel. Plusieurs se contentent d’évoquer ou de lire « Le Prince ». Ils ne semblent pas savoir qu’il y a un deuxième livre du même auteur intitulé « Discours sur la première décade de Tite-Live ».

Sans les ressources et les soutiens extérieurs, la corruption et la chasse à ses opposants ; sans le silence et l’obéissance imposés aux rwandais de l’intérieur, Kagame ne tiendrait pas deux semaines face aux kongolais. Avec ses parrains, il a réussi à se créer un ennemi extérieur pour éviter les troubles intérieurs. Si les kongolais réussissent à renverser les rapports antagonistiques, le roi du pays de mille collines sera nu.

Il n’est pas toujours évident que les fanatiques du livre « Le Prince » sachent en tracer l’archéologie et en indiquer le prétexte et le contexte. Lire et commenter un texte sans en connaître « la métapolitique » peut conduire au pscittacisme avilissant. Les textes ne sont pas « toujours » innocents. Ils ont des leçons d’herméneutique à nous apprendre. Savoir, par exemple, que Machiavel part de l’hypothèse selon laquelle les hommes sont méchants et que pour venir à bout de leurs antagonismes passe par le renversement des rapports de force -en faisant l’économie du moindre mal- est important.

Donc, Machiavel nous enseigne que là où le dialogue facilité par les rapports agoniques est impossible, là où se sont installés les rapports antagonistiques, le recours au moindre mal en forçant le renversement des rapports de force demeure une meilleure solution.

En fait, le Rwanda et le Kongo-Kinshasa entretiennent des rapports antogonistiques. Et un nombre considérable de Kongolais estime que le recours à l’économie du moindre mal serait la meilleure solution. (Une approche que je ne partage pas dans la mesure où je crois fermement dans la possible mue des rapports antagonistiques en rapports agoniques. Soit ! Qui suis-je ? Mon point de vue est relativisable.)

Un leader faible rêve de se transformer en chef de guerre

Néanmoins, ce que plusieurs compatriotes lecteurs de Machiavel semblent oublier c’est ce qu’il dit au sujet du leader faible. « Pour maintenir un peuple dans l’obéissance et le silence, inventer lui un ennemi, faite lui peur et dénoncez ceux qui veulent la paix, comme des anti-patriotes et des ennemis de la patrie. Un leader faible rêve de se transformer en chef de guerre et qui déclenche une guerre pour éviter des troubles intérieurs, finit toujours par accélérer sa propre perte », soutient Machiavel.

Si le Kongo met fin à cette guerre de basse intensité, Kagame aura du mal à rendre compte des cadavres sortant de ses placards. Ses maîtres et lui-même sont des « apeurants apeurés » par cette épée de Damoclès.

Depuis les années 1990, Kagame maintient le peuple rwandais dans l’obéissance et le silence parce qu’il est un « leader faible ». Sans les ressources et les soutiens extérieurs, la corruption et la chasse à ses opposants ; sans le silence et l’obéissance imposés aux rwandais de l’intérieur, Kagame ne tiendrait pas deux semaines face aux kongolais. Avec ses parrains, il a réussi à se créer un ennemi extérieur pour éviter les troubles intérieurs. Si les kongolais réussissent à renverser les rapports antagonistiques, le roi du pays de mille collines sera nu. Il peut signer des accords et ne pas les respecter parce qu’il a besoin d’un ennemi extérieur pour éviter de précipiter sa propre perte.

Son égotisme l’enferme dans un court terme compromettant pour l’avenir de son pays. Il est en train de semer la peur à l’intérieur de son pays et créer des haines corsées dans certains pays voisins ; et surtout au Kongo-Kinshasa. L’intégration régionale risque d’échouer dans la mesure où les kongolais(es) pourraient avoir du mal à coopérer avec un pays qui a causé des millions de morts dans le leur. Et puis, si le Kongo met fin à cette guerre de basse intensité, Kagame aura du mal à rendre compte des cadavres sortant de ses placards. Ses maîtres et lui-même sont des « apeurants apeurés » par cette épée de Damoclès. Bon ! Un miracle est possible. Mais l’égotisme, l’orgueil, le matalana (le m’as-tu-vusme), c’est un enfer.

Plusieurs compatriotes kongolais déçus et/ou découragés au vu de ce qui se passe dans les Grands Lacs Africains se contentent de décrier, à raison, les limites de leurs gouvernants. Fanatiques, lecteurs et/ou commentateurs de Machiavel, ils devraient aussi voir en Paul Kagame, un leader faible ayant compromis, égotistement, l’avenir de son pays au coeur de l’Afrique.

 

Babanya Kabudi

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

Proposer un lieu unique de décryptage, de discussion et de diffusion des réalités et perspectives du Congo-Kinshasa.

Aiguiser l’esprit critique et vulgariser les informations sur les enjeux du Congo, à travers une variété de supports et de contenus (analyses, entretiens, vidéos, verbatims, campagnes, livres, journal).