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Des Wazalendo résistent contre la corruption

Des Wazalendo résistent contre la corruption

Des Wazalendo résistent contre la corruption 1200 672 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Connais ton ennemi et connais-toi toi-même; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites. »
– Sun Tzu

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication facilitent la connexion et l’interconnexion entre les populations mondiales et celles appartenant à un même pays.

Il y a quelques semaines, à partir de l’Est du Kongo-Kinshasa et à deux reprises, des Wazalendo ont révélé au grand jour les tentatives de corruption dont ils ont été l’objet. Ils ont montré publiquement des sommes d’argent qui leur ont été proposées afin de les contraindre à baisser la garde, de permettre l’infiltration des forces hostiles sur les terres de leurs ancêtres et de les occuper au bénéfice de « l’homme fortifié » du Rwanda. Cet argent généré sur le sol kongolais devait servir à l’achat des consciences et à semer la mort et la désolation.

Le refus et la résistance opposés par les Wazalendo ont remis en question l’un des fondements des victoires des proxies de Paul Kagame : les Kongolais sont faibles face à l’argent. Ils sont facilement corruptibles. Ce refus et cette résistance rappellent un principe très simple : « Il n’ y a pas de règles sans exception. » Des Kongolais faisant exception à la facile corruption existent. Ces Wazalendo résistants et résilients en ont témoigné.

Un témoignage éloquent

Ce témoignage est éloquent. Il enseigne que les minorités kongolaises courageuses et conscientes du danger qu’il y a à troquer leur pays contre les espèces sonnantes et trébuchantes existent. C’est à ces minorités qu’il appartient d’être le fer de lance de la refondation du pays sur des valeurs sûres. Ce témoignage rappelle que la guerre de basse intensité à laquelle participe les proxies rwandais a recouru et recourt encore à la corruption, à l’infiltration du pays, du renseignement, des institutions et des structures étatiques pour les affaiblir et les corrompre de l’intérieur, à l’occupation des terres afin de réaliser leur rêve de la constitution de l’empire Hima-Tutsi. Lorsque des Kongolais soutiennent que « le petit Rwanda » nous malmène, nous frappe, ils devraient toujours avoir en tête ces moyens auxquels il recourt en permanence. Donc, la guerre de basse intensité contre le Kongo-Kinshasa n’est pas qu’une question de rapports de force militaire. Il a aussi une dimension morale très prononcée. Il est aussi une question de rapports de force morale.

La guerre de basse intensité contre le Kongo-Kinshasa n’est pas qu’une question de rapports de force militaire. Il a aussi une dimension morale très prononcée. Il est aussi une question de rapports de force morale.

Souvent, nous répétons les formules des autres et affirmons que la politique n’est pas morale. Et nous convoquons certains auteurs dont nous avons maîtrisé les théories sans questionner nos propres traditions de gestion du pouvoir et les leurs. Pourquoi et comment la politique en tant qu’art de l’organisation de la cité par les paroles échangées et les actions menées ensemble dans le respect des différences, de l’altérité, afin de produire un bien-vivre-ensemble peut-elle se passer d’un minimum d’interdits -d’homicide, de mensonge, d’inceste (comme manipulation de l’autre) -pour un devenir collectif humanisé ? Est-ce possible d’advenir à l’humain sans un minimum de limites imposées collectivement à notre hubris ?

En refusant de troquer la terre de leurs ancêtres contre les billets de banque, les Wazalendo prouvent que tout n’est pas vendable. Surtout pas la terre en tant que mère nourricière, matrice originaire, lieu d’enracinement et d’orientation. Ils savent et vivent, au quotidien, le fait que « likambo ya mabele, ezali likambo ya makila ». Ils assènent une leçon de morale et d’éthique à la fois.

Solidaires de leurs ancêtres, de leurs frères et soeurs ayant versé leur sang depuis plus de trois décennies sur cette terre ancestrale, ils ont assumé la responsabilité de la protéger contre vents et marées, contre la corruption. Par leur geste, ils ont montré que la (re)moralisation de la gestion politique (et militaire) du Kongo-Kinshasa pourrait constituer sur le court, moyen et long terme, l’une de ses branches de salut.

« Connais ton ennemi et connais-toi toi-même »

Depuis plus de trois décennies, plusieurs compatriotes kongolais ont perdu la confiance en eux-mêmes et dans les autres. Ils se sont habitués à se voir à travers le miroir qui leur est tendu par l’autre. Ils ont refusé de capitaliser ce que les minorités éveillées réalisent de beau, de vrai et de juste. Ces beaux gestes tombent ne font pas le buzz. Ils sont vite oubliés et/ou sont confondu avec les faits divers. Qui parle encore de ces Wazalendo sur les réseaux sociaux ? Pourtant, ils ont déconstruit un narratif mensonger au sujet des Kongolais. Sans cette déconstruction, sans leur résistance et leur résilience, ils se mettraient eux aussi à croire dans le ubuenge propagé par les proxies de Kagame et cela jouerait sur la confiance en eux-mêmes et au collectif de lutte pour la protection des terres kongolaises qu’ils constituent.

Le geste posé par les Wazalendo pourrait inciter le pays à la mise en place, en plus des Inspections Economiques des Finances, des Comités d’Ethique au niveau des communautés autonomisées à la base de la société kongolaise pour partager les principes du bien-vivre-ensemble et éduquer les masses populaires à la résilience et à un usage rationnel et raisonnable de l’argent.

Ce collectif se connaît. Il connaît son ennemi. Il a une bonne maîtrise de ses méthodes, de ses tactiques et de ses stratégies. Cette connaissance se transmet de génération en génération. Elle constitue un socle, un rocher sur lequel reposent la fidélité à ses ancêtres et la confiance en lui-même. Ce collectif, malgré ses hauts et ses bas, est une école de la résilience et de la résistance. Il est porteur de la tradicratie.

Sa résistance face à la corruption pose et repose la question du rapport de l’humain kongolais à l’argent et de la déreliance qui peut en résulter. Cette résistance pose la question fondamentale de l’irruption de l’économie monétaire dans les traditions et les cultures ayant privilégié pendant longtemps d’autres modes d’échanges (et de commerce). Elle a prouvé que l’intrigue, la trahison, la mauvaise foi, la ruse, etc. se servent souvent de Mammon pour imposer la mort et la désolation.

Le geste posé par les Wazalendo pourrait inciter le pays à la mise en place, en plus des Inspections Economiques des Finances, des Comités d’Ethique au niveau des communautés autonomisées à la base de la société kongolaise pour partager les principes du bien-vivre-ensemble et éduquer les masses populaires à la résilience et à un usage rationnel et raisonnable de l’argent.

Tout ceci ne peut fonctionner que si la justice sociale et redistributive est tant soit peu garantie et les mécanismes de contre-pouvoir protégés dans un pays souverain.

 

Babanya Kabudi

INGETA.

REINVENTONS

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