Par Mufoncol Tshiyoyo
Chaque fois qu’on me parle du « M23 » ou de « Kagame », je souris. Un sourire bref, tranchant. Puis la colère me brûle. Pas la colère du faible, mais la colère de celui qui tient à voir clair. Car il faut le dire une fois pour toutes : on nous prend pour des benêts.
Depuis des années, une partie des Congolais répète ces deux mots comme un catéchisme. « M23 » par-ci, « Kagame » par là. Comme si prononcer un nom suffisait à comprendre la nature d’une guerre. Comme si nous étions condamnés à commenter les ombres que d’autres projettent sur le mur.
Ce qu’on nomme existe. Ce qu’on ne nomme pas gouverne
Et voilà précisément le langage de ceux qui n’ont rien compris à la guerre de l’ombre, pour reprendre Maxime Chaix (2025), imposée au Congo. Ils pensent ainsi « nous » intimider. Ils imaginent que leur refrain, aussi pauvre conceptuellement qu’un tambour crevé, finira par nous hypnotiser. Ils croient qu’en citant Kagame à tout bout de champ, ils nous contraindront à applaudir.
Dans les conflits modernes, la domination ne s’exerce plus par l’occupation directe, mais par la délégation. L’acteur visible n’est qu’une ombre. L’acteur réel opère ailleurs.
Pourtant, la véritable exaspération provient d’une illusion cognitive :
Loi Invisible n°3 : Ce qu’on nomme existe. Ce qu’on ne nomme pas gouverne. La croyance qu’un label fabriqué équivaut à une entité politique réelle est la première chaîne de la servitude.
Déshabiller la fiction : qu’est-ce donc que le «M23» ? À quoi joue-t-on exactement ? Qu’est-ce que le « M23 » ? Où est son État ? Sa doctrine ? Sa hiérarchie ? Son économie interne ? Qui écrit ses principes, ses budgets, ses stratégies ?
Rien. Un vide. Une fiction opérationnelle. Car il faut comprendre ceci : dans les conflits modernes, la domination ne s’exerce plus par l’occupation directe, mais par la délégation. L’acteur visible n’est qu’une ombre. L’acteur réel opère ailleurs.
Plus un acteur est visible, moins il est décisif
Loi Invisible n°11 : Plus un acteur est visible, moins il est décisif. Les puissances se cachent toujours dans leurs instruments. Ainsi, le « M23 » n’est pas un adversaire : c’est une silhouette projetée pour masquer la main qui la déplace. Ce n’est pas un mouvement, mais un mantra. Il n’existe que parce que l’État congolais, lui, n’existe pas là où il devrait être.
Le comble de l’humiliation, c’est lorsque certains Congolais, ceux qui font des pèlerinages réguliers vers ce qui reste de l’« Occident », vont y accuser Kagame et le Rwanda, comme si l’on dénonçait un domestique devant son employeur. Ils oublient que l’on ne se plaint pas au maître de l’instrument qui exécute sa volonté.
Un proxy ne naît jamais du courage d’un groupe : il naît du retrait d’un gouvernement. On ne me fera pas croire qu’un label militaire bricolé, sans idéologie, sans économie, sans colonne vertébrale, défie un pays de 100 millions d’habitants. Ce n’est pas le « M23 » qui avance : c’est le Congo qui recule. Ceux qui récitent ce nom comme une prière ont abandonné l’effort de penser. Ils confondent le masque et la main qui l’anime.
Paul Kagame : un opérateur secondaire, pas un adversaire principal. On me dit : « Kagame est fort. » Non. Kagame n’est pas fort : il est protégé. C’est un nègre de service, mais protégé. Un relais, un sous-traitant, un gouverneur officieux d’intérêts qui le dépassent. Il n’a pas besoin d’être brillant. Il doit seulement être obéissant. Car lorsque Kagame parle, ce n’est jamais sa voix qu’on entend. Ce sont les intérêts qui l’autorisent, le financent, le prolongent.
Le comble de l’humiliation, c’est lorsque certains Congolais, ceux qui font des pèlerinages réguliers vers ce qui reste de l’« Occident », vont y accuser Kagame et le Rwanda, comme si l’on dénonçait un domestique devant son employeur. Ils oublient que l’on ne se plaint pas au maître de l’instrument qui exécute sa volonté. Alors, le Rwanda n’est pas David face à Goliath. Le Rwanda est la perche que Goliath utilise pour sonder le sol du Congo.
Le proxy prospère là où l’État se retire
Loi Invisible n°14 : Le proxy prospère là où l’État se retire. Il ne remplace pas l’État : il prouve son absence. Il n’y a aucune prouesse là-dedans. Seulement une mécanique bien huilée. Le désastre cognitif : un peuple désarmé par les mots. Les Congolais qui répètent « M23 » se tirent eux-mêmes dans le pied. Répéter ce nom sans comprendre la structure qui l’a fabriqué, c’est débattre avec un fantôme. C’est se battre dans un miroir.
Le Congo ne se bat pas contre un groupe armé, mais contre une architecture. Contrairement aux illusions amplifiées par les bavards professionnels, le Congo n’a pas un ennemi local : il a un ennemi structurel. Le Congo ne se bat pas contre le « M23 ». Le Congo se bat contre une équation géopolitique écrite hors de ses frontières.
Le premier signe de colonisation n’est pas la perte d’un territoire. Le premier signe de colonisation, c’est la perte des mots qui permettent de décrire ce qu’on vit. Un peuple devient esclave non pas lorsqu’il est vaincu, mais lorsqu’il adopte le langage de la puissance qui l’écrase.
Ainsi, lorsqu’on dit « M23 », on ne décrit pas la guerre : on récite ce que d’autres veulent que nous croyions.
Loi Invisible n°8 : L’adversaire gagne toujours la bataille qu’il vous oblige à nommer. Le Congo ne se bat pas contre un groupe armé, mais contre une architecture. Contrairement aux illusions amplifiées par les bavards professionnels, le Congo n’a pas un ennemi local : il a un ennemi structurel. Le Congo ne se bat pas contre le « M23 ». Le Congo se bat contre une équation géopolitique écrite hors de ses frontières.
Le pays se bat contre :
– la privatisation du Kivu par procuration,
– l’effacement de l’État remplacé par des bandes opératoires,
– la permission occidentale accordée à un petit régime d’exécuter le sale travail,
– la naïveté suicidaire de ses propres élites,
– l’incapacité nationale à nommer les véritables acteurs du conflit.
Manque d’élites…
Tant qu’on parlera de « groupes armés », tant qu’on fera semblant de croire que tout cela est « local », on restera aveugles à l’essentiel : le Congo n’est pas attaqué par le Rwanda, mais géré par un dispositif international.
Le M23 n’est pas une armée. C’est un message. Un avertissement. Une punition. Un rappel : « Vous ne décidez pas. Et quand vous essayez, voici ce que nous envoyons.» Les « élites » congolaises : l’autre nom du problème. Le Congo ne manque pas d’ennemis. Il manque d’élites. Ce qui détruit le Congo n’est pas la force des autres, mais la paresse stratégique de ceux qui prétendent le diriger.
Le M23 n’est pas une armée. C’est un message. Un avertissement. Une punition. Un rappel : « Vous ne décidez pas. Et quand vous essayez, voici ce que nous envoyons.» Les « élites » congolaises : l’autre nom du problème. Le Congo ne manque pas d’ennemis. Il manque d’élites. Ce qui détruit le Congo n’est pas la force des autres, mais la paresse stratégique de ceux qui prétendent le diriger. Comment peut-on conduire un pays quand on ne sait pas nommer une guerre ? Comment protéger une nation lorsqu’on ignore la structure de son assujettissement ?
Le « leadership » congolais ne manque pas d’hommes.
Il manque d’hommes capables de dire ce qui existe réellement.
Men are not lacking.
Clarity is lacking.
Courage is lacking.
Structure is lacking.
A vision that does not tremble is lacking.
Le mensonge du « gagnant-gagnant ». On me dit : « L’Occident n’a pas aimé le discours gagnant-gagnant. » Comment l’aurait-il pu ? On ne parle de « gagnant-gagnant » que lorsqu’on possède soi-même des leviers. Or la RDC ne contrôle :
– ni son armée,
– ni son sol,
– ni ses frontières,
– ni ses élites administratives,
– ni son processus électoral,
– ni ses ressources stratégiques.
Parler de « gagnant-gagnant» dans ces conditions, c’est faire du bruit dans une pièce dont d’autres détiennent la clé.
Le proxy n’est jamais l’ennemi
La fabrication du proxy : anatomie d’un mensonge opérationnel. Lorsqu’une puissance veut discipliner un dirigeant africain, elle n’envoie jamais une note diplomatique : elle envoie un proxy. Un proxy n’est jamais une initiative locale. Il répond à un calcul stratégique. Il naît d’un besoin géopolitique.
Discuter avec ceux qui croient encore que la guerre du Congo se joue entre Kinshasa et un groupe fantôme revient à débattre avec les ombres projetées au mur de Platon. En conclusion: « M23» n’est pas un ennemi, c’est un test. Un test pour savoir si le Congo peut encore : penser en adulte, nommer la menace réelle, produire un leadership digne, refuser la guerre cognitive qui l’infantilise.
On recourt aux proxies pour :
– affaiblir un État,
– discipliner un dirigeant,
– empêcher l’émergence d’une souveraineté réelle,
– sécuriser un couloir ou une ressource,
– sanctionner un excès d’autonomie.
Le M23 n’est pas une conséquence : c’est une fonction.
Loi Invisible n°21 : Le proxy n’est jamais l’ennemi ; il est la preuve que l’ennemi se cache. Discuter avec ceux qui croient encore que la guerre du Congo se joue entre Kinshasa et un groupe fantôme revient à débattre avec les ombres projetées au mur de Platon. En conclusion : « M23» n’est pas un ennemi, c’est un test. Un test pour savoir si le Congo peut encore :
– penser en adulte,
– nommer la menace réelle,
– produire un leadership digne,
– refuser la guerre cognitive qui l’infantilise.
Ceux qui répètent « M23 » sont déjà perdus. Ceux qui disent : « Montrez-moi la structure » sont déjà en train de gagner. La question n’a jamais été : « Qui combat le M23 ? » La seule question qui mérite d’être posée est : Qui tient réellement le Congo ? Et qui a peur de le perdre ? Là commence enfin le débat. Le vrai. Le seul.
Mufoncol Tshiyoyo, M.T., un homme libre, l’Étincelle
Fondateur du Think Tank, Lp, Libération par la perception