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Le Qatar à Kinshasa: L’art de caresser un pays qu’on tient déjà…

Le Qatar à Kinshasa: L’art de caresser un pays qu’on tient déjà…

Le Qatar à Kinshasa: L’art de caresser un pays qu’on tient déjà… 853 569 Ingeta

Par Mufoncol Tshiyoyo

Dans ce pays qui fut jadis le théâtre de Mobutu – et où ceux qui se proclament encore aujourd’hui anti-mobutistes n’ont jamais hésité à clouer au pilori son passage à la « Ligablo » –, voilà qu’une simple visite du Qatar suffit désormais à provoquer des convulsions patriotiques. Ainsi, le Congo s’émeut toujours au mauvais moment, comme un peuple déphasé, étranglé par sa propre mémoire courte.

Or, le Qatar n’est pas un acteur neutre. C’est un micro-État fonctionnel, façonné pour projeter l’influence d’autres puissances. Son alignement sur Paris – et donc sur l’axe anglo-saxon – est un secret de Polichinelle pour quiconque connaît la mécanique des puissances. D’ailleurs, Chomsky n’a jamais hésité à nommer ces entités : des « États mercenaires », nés pour servir une cause qui n’est pas la leur, enveloppés de richesses qui masquent mal leur vocation.

La leçon de Fanon

Et un signe ne trompe pas : des États-Unis au Qatar, la RDC n’intéresse plus directement personne. Elle ne mobilise plus la haute strate des puissances ; elle est désormais déléguée, externalisée, sous-traitée. Les Anglo-Saxons eux-mêmes – qui formaient hier le cœur dur de l’ingérence – renvoient aujourd’hui le « dossier Congo » à Doha, comme on se débarrasse d’un fardeau que l’on ne veut plus porter.

Le Congo, sous-traité par le Qatar, se félicite même du vide : il confond absence d’intérêt et reconnaissance, désengagement et souveraineté. C’est là le drame ultime : se réjouir d’être tenu par ceux qui, eux-mêmes, tiennent leur pouvoir d’un autre. Pendant ce temps, ailleurs sur le continent, d’autres ont compris.

Du haut de la scène au bas de la scène : telle est la trajectoire silencieuse du Congo. Après l’avoir longtemps glorifié comme “pays des ressources”, l’Occident l’a réduit à un dossier secondaire géré par procuration. Le Congo, sous-traité par le Qatar, se félicite même du vide : il confond absence d’intérêt et reconnaissance, désengagement et souveraineté. C’est là le drame ultime : se réjouir d’être tenu par ceux qui, eux-mêmes, tiennent leur pouvoir d’un autre.
Pendant ce temps, ailleurs sur le continent, d’autres ont compris.

Au Burkina Faso, les autorités ont refusé l’« aide » des Émirats destinée à construire des mosquées. Ce refus n’est pas uniquement religieux, mais profondément stratégique : une nation qui se respecte sait que toute aide étrangère contient un projet d’implantation, un vecteur d’influence, une tentative de réorienter l’imaginaire collectif.

C’est la leçon de Fanon lorsqu’il affirmait que « le colonisé intériorise plus vite qu’il ne comprend ». Autrement dit, il faut comprendre avant d’accepter, et refuser avant d’intérioriser. Le Burkina, lui, a compris avant d’intérioriser.

La répétition des vieilles liturgies

Le Congo, non. Le Congo oublie. On a oublié qu’à son retour de Chine, Mobutu fut accueilli comme un pharaon tropical. On a oublié que le moindre « visiteur de marque » déclenchait à Kinshasa une liturgie d’admiration. Sakombi Inongo – son grand prêtre de la communication, devenu renégat au service de ses tombeurs – transportait Mobutu dans les nuages à la télévision, littéralement. Le peuple, fasciné devant l’écran, croyait voir la gloire, alors qu’il ne voyait que la mise en scène de sa propre captivité.

Le Qatar ne fait rien de neuf : il applique la même stratégie que les puissances d’hier, la même technique de captation, la même caresse qui prépare la morsure. Et, comme toujours, les élites locales se ruent pour offrir le pays en vitrine.

Pourtant, ironie suprême, il ne faudrait même plus critiquer Mobutu aujourd’hui. Et toutefois, ce qui se passe avec le Qatar n’est que la répétition, version 2.0, de ces vieilles liturgies politiques : on acclame ce qui nous enferme, on applaudit ce qui nous achète, on vénère ce qui nous remplace. Notre ancêtre Cabral avait prévenu : « La libération commence dans la tête. » De ce fait, un peuple qui ne libère pas sa perception ne libérera jamais sa terre.

Le Qatar ne fait rien de neuf : il applique la même stratégie que les puissances d’hier, la même technique de captation, la même caresse qui prépare la morsure. Et, comme toujours, les élites locales se ruent pour offrir le pays en vitrine. Les héritiers symboliques de Mobutu et de Papa Wemba – comme l’écrivait l’ancien journaliste de Salongo, Eddy Angulu, devenu chantre du kabilisme – ont été recasés au bon endroit : là où ils rassurent les parrains, là où ils rendent impossible l’éveil.

Fanon nous le disait déjà : « Une élite piégée par l’imitation devient la police locale du système mondial. » Voilà ce que nous sommes devenus : la police enthousiaste de notre propre effacement.
Alors oui, pauvre Congo.

Pauvre non par manque de richesses, mais par confiscation de perception. Pauvre non par manque de voix, mais par saturation de récits imposés. Pauvre, parce que tu n’as toujours pas compris que la souveraineté ne s’obtient pas par accueil, mais par refus. Par la négation, non par la révérence. Par l’esprit libéré, non par la diplomatie de la main tendue.

La Libération par la Perception 

Aucun peuple ne devient souverain tant qu’il regarde le monde avec les yeux d’un autre. La perception n’est pas un luxe intellectuel : c’est la première frontière.
La première armée.
La première victoire.

La question n’est pas seulement de savoir ce que l’on fait ou ce que l’on ne fait pas, mais plutôt comment on le fait. Car, dans l’ordre réel du monde, l’homme qui s’accroche aux règles pendant que les autres conspirent contre lui n’est pas noble : c’est une proie.

Dès lors, tant que le Congo n’apprendra pas à dire non, il dira malgré lui oui à tout ce qui le détruit. La libération commence lorsque le peuple cesse d’applaudir les illusions.
Lorsque les consciences refusent la mise en scène.
Lorsque les élites cessent de servir d’interfaces.
Lorsque la perception devient une arme — et non une cage.

C’est cela, la véritable naissance d’une nation. Et qu’on ne s’y trompe pas : la question n’est pas seulement de savoir ce que l’on fait ou ce que l’on ne fait pas, mais plutôt comment on le fait. Car, dans l’ordre réel du monde, l’homme qui s’accroche aux règles pendant que les autres conspirent contre lui n’est pas noble : c’est une proie.

 

Mufoncol Tshiyoyo , M.T., un homme libre
Fondateur du Think Tank Lp, La Libération par la Perception

INGETA.

REINVENTONS

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