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Regard des intellectuels catholiques sur la RD Congo, 65 ans après l’indépendance : bilan et perspectives d’avenir

Regard des intellectuels catholiques sur la RD Congo, 65 ans après l’indépendance : bilan et perspectives d’avenir

Regard des intellectuels catholiques sur la RD Congo, 65 ans après l’indépendance : bilan et perspectives d’avenir 1080 608 Ingeta

Conférence donnée par Mr l’abbé José MPUNDU, aumônier diocésain des intellectuels et cadres dirigeants catholiques, à l’occasion de la XXXIIIe Semaine des Intellectuels.

Introduction

L’intitulé de cette conférence reprend textuellement le thème choisi pour cette XXXIIIe

Semaine des Intellectuels et Cadres dirigeants catholiques de Kinshasa, à savoir : « Regard des intellectuels catholiques sur la République Démocratique du Congo, 65 ans après l’indépendance : bilan et perspectives d’avenir ». Le choix de ce thème est, à mon avis, l’expression d’une volonté qui nous habite, celle de réfléchir ensemble sur la situation de notre pays et d’agir ensemble pour bâtir un Autre Congo.

Nous voulons mener une réflexion critique, une évaluation sans complaisance du parcours réalisé par notre pays depuis le 30 juin 1960, date de notre indépendance, jusqu’à ce jour, 65 ans après. Cette réflexion sera suivie d’un engagement à agir dans le sens de la construction d’un Autre Congo, d’une nouvelle société congolaise.

Après avoir passé deux jours à réfléchir en petits groupes et à ouvrir des pistes d’action, je prends la parole cet après-midi pour apporter ma pierre dans la démarche de refondation de notre nation, de notre maison commune qu’est la RD Congo.

Ma réflexion part d’une question cruciale : 65 ans après que dire de l’indépendance qui nous a été donnée par les colons belges le 30 juin 1960 ? Sommes-nous réellement indépendants ? Sommes-nous réellement une nation souveraine ? Un Etat souverain ? libre et autonome ? J’insiste sur le mot « réellement ».

Si nous ne le sommes pas « réellement », que devons-nous faire et que pouvons-nous faire pour arracher notre indépendance et conquérir notre souveraineté ? Car, l’indépendance, la souveraineté, la liberté, l’autonomie ne se donnent pas mais s’acquièrent au terme d’une lutte, d’un combat de libération : libération culturelle, économique et politique. Nous retrouvons là les propos de notre héros national, Patrice Emery Lumumba dans son discours prononcé le 30 juin 1960. Alors que tout le monde et particulièrement les colons belges ainsi que certains compatriotes parlaient d’une indépendance octroyée comme un cadeau par le pouvoir colonial, Lumumba parle d’une indépendance conquise au terme d’une lutte : « Cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans la quelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang »[1].

Sommes-nous réellement indépendants et souverains, libres et autonomes ?

Au regard de notre histoire, tout me porte à croire et à affirmer que nous ne le sommes pas du tout. Je partirais ici du propos qu’a tenu le Général Janssens. Le Général Emile Janssens, commandant de la Force Publique au moment de l’indépendance du Congo (30 juin 1960), a prononcé une phrase qui est restée célèbre : « Avant l’indépendance=Après l’indépendance ». Cette phrase a été écrite au tableau à la caserne de la Force Publique de Léopoldville, le 5 juillet 1960, cinq jours après la proclamation de l’indépendance.

Rappelons le contexte. Les soldats congolais espéraient promotion et africanisation immédiate après l’indépendance comme cela s’est fait dans le domaine politique. Cela ne fut pas le cas. Ils ont été donc déçus.

La conséquence qui n’a pas tardé, fut la mutinerie de la Force Publique qui a accéléré le chaos post-indépendance qui continue jusqu’aujourd’hui. Cette phrase prononcée et écrite par le Général belge Emile Janssens ne s’adresse pas uniquement aux soldats congolais de la Force Publique, mais à travers eux, à tous les congolais. Le Général Janssens dit tout haut ce que les autres belges pensent tout bas. Il exprime très clairement le refus du changement et le mépris du colon belge pour le peuple congolais. Nous pouvons donc conclure que 65 ans après, nous ne sommes pas indépendants. Bien au contraire, tout montre que nous sommes toujours dépendants, dépendants de l’Occident sur tous les plans : culturel, économique et politique.

Dépendance culturelle

Nous vivons dans une culture d’emprunt. Prenons le cas de la langue. Nous parlons mieux la langue des autres que nos propres langues. Nous considérons comme intelligents ceux qui maîtrisent les langues étrangères : la français, l’anglais, l’espagnol, etc. La langue étant le véhicule de la culture, nous vivons donc dans une culture d’emprunt, la culture des autres.

Je voudrais ici évoquer une expérience personnelle. J’avais été invité à donner une conférence en Espagne, à Madrid. Les organisateurs m’ont donné comme condition de parler dans leur langue, l’espagnol, que je ne connaissais pas. J’ai dû prendre tout un temps pour apprendre l’espagnol afin de pouvoir ne fut-ce que lire mon texte en espagnol. Chose que j’ai faite à la plus grande satisfaction de ceux qui m’avaient invité. Alors que les autres sont fiers de parler leur langue, nous autres nous sommes complexés pour nous exprimer dans notre langue ou dans nos langues.

La religion est un produit de la culture. Nous avons renoncé à nos religions traditionnelles pour adopter la religion des autres, la religion du colonisateur. Malgré tous les efforts fournis pour africaniser le christianisme, nous devons reconnaître que nous continuos à vivre dans une religion d’emprunt.

En rapport avec les mœurs et le mode vestimentaire, nous constatons que nous sommes dépendants des autres, du colonisateur. Nous nous habillons comme eux chez eux en oubliant que le mode vestimentaire est aussi un trait de la culture. Je suis habillé en costume et cravate comme les occidentaux même lorsqu’il fait très chaud. Je porte des souliers fermés dans un pays où l’été est permanent. Lorsqu’il faut beau en Europe, les gens portent des sandales et non des souliers. Ils s’adaptent au climat. Ils ont même des sandales qui font habiller et qu’on peut même porter pour aller au bureau ou à une fête. Les missionnaires qui sont venus nous évangéliser portaient des sandales non pas en signe de pauvreté mais tout simplement pour des raisons pratiques en rapport avec notre climat.

Sur le plan vestimentaire, nous sommes fiers de nous habillés comme les Occidentaux dans un mimétisme culturel aveugle. Nous préférons des habits importés de l’Europe même ceux qui ont déjà été portés par eux que nous appelons la friperie.

Notre système scolaire et éducatif est une copie certifiée conforme du système occidental. Je prends ici le cas du système LMD que nous venons d’adopter pour l’enseignement supérieur et universitaire. C’est une copie conforme de ce qui se fait en Occident alors que nous ne réunissons pas toutes les conditions requises pour le bon fonctionnement de ce système. Bien plus dans notre système scolaire et éducatif, nous transmettons les valeurs culturelles des autres oubliant les nôtres. Nous apprenons à reproduire le savoir des autres et non à produire notre propre savoir en fonction de nos réalités spécifiques.

D’une manière générale, nous sommes passés de la culture de l’ETRE, culture BANTOU à la culture de l’AVOIR qui est la culture capitaliste libérale venue de l’Occident.

Sur le plan culturel, nous vivons donc dans l’extraversion.

Dépendance économique

Sur le plan économique, nous vivons avec un système économique extraverti. En effet, il suffit de voir seulement la monnaie que nous utilisons pour nos échanges commerciaux, c’est le dollar américain, une monnaie étrangère. Si la monnaie est le symbole de la souveraineté d’un pays, nous devons constater que nous ne sommes pas un état souverain.

Le système économique capitaliste libéral qui nous est imposé de l’extérieur nous maintient dans la dépendance en ce qui concerne notre production et notre consommation. Nous ne produisons pas ce que nous consommons. Lorsque tu entres dans un supermarché, la grande majorité des produits que nous y trouvons et que nous achetons vient de l’extérieur.  Très peu de produits locaux nous sont proposés.

Notre système commercial est extraverti. C’est ainsi que nous parlons plus du commerce extérieur plutôt que du commerce intérieur. Nous cherchons des investisseurs étrangers au lieu d’encourager les investisseurs locaux. Dans notre pays, nous n’avons pas de banques appartenant à des congolais. Pratiquement, toutes les banques commerciales dans notre pays appartiennent à des étrangers.

Dépendance politique

Sur le plan politique, nous devons nous rendre à l’évidence que les grandes décisions politiques qui concernent l’organisation politique de notre pays sont prises à l’étranger : à Washington, à Paris, à Bruxelles, à Londres, etc.

Le choix de nos dirigeants ne nous appartient pas réellement. En effet, depuis 1960, on nous fait croire que c’est nous qui choisissons nos dirigeants à travers des élections qui, en définitive, ne sont que des parodies électorales.

Le choix de notre premier président a été celui des colonisateurs belges. Et l’histoire nous apprends que l’argent a circulé pour corrompre les politiciens congolais réunis au parlement.

Le deuxième président a pris le pouvoir par un coup d’état préparé et organisé par les grandes puissances occidentales.

Le troisième président qui est arrivé par une soi-disante lutte de libération était le choix des américains. A cette époque, je me souviens que j’ai été reçu par l’ambassadeur de la Belgique, le lundi qui précédait l’entrée de l’AFDL à Kinshasa. Je lui ai posé la question de savoir ce qu’il pensait de l’arrivée de l’AFDL. Il me répondra très clairement qu’au sein de la Troïka (Etats-Unis, Belgique et France) qui nous dirigeait, les voix ne s’accordaient pas. Les américains soutenaient Laurent Désiré Kabila tandis qu’eux, les Belges, et les Français, avaient leur homme. Il m’a cité le nom de celui qui était l’homme de leur choix. Il m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai répondu que j’étais contre parce qu’ils ont choisi cet homme non pas pour les intérêts du Congo mais pour leurs propres intérêts. Lorsque Laurent-Désiré Kabila a défié leur pouvoir, ils l’ont tué comme ils avaient tué auparavant Lumumba.

Retenons ici une leçon de l’histoire : lorsque les Occidentaux tuent un dirigeant africain ou du tiers monde ce que ce dirigeant est bon pour son peuple. Ils tuent ou éliminent physiquement ou politiquement ceux qu’ils considèrent comme représentant un danger pour leurs intérêts. Toutefois, je note que lorsqu’un dirigeant est vraiment connecté à son peuple, que ce dernier se reconnaît en son dirigeant et qu’ils ne savent pas manipuler ce peuple, ils ont du mal à l’éliminer. C’est le cas d’Hugo Chavez au Venezuela et de son successeur Maduro.

Après son accession au pouvoir en succession à son Père, Joseph Kabila, le quatrième président de notre pays, au lendemain de sa prestation de serment pour son premier mandat, il a effectué un voyage aux USA, en France et en Belgique. Dans sa délégation, j’avais un ami, un de ses proches collaborateurs. A leur retour, je lui pose la question : « pourquoi êtes-vous allés à l’étranger au lieu de commencer par faire le tour du pays pour connaître les aspirations du peuple ? » Sa réponse a été très claire : « José, tu ne comprends rien à la chose. C’est là que l’on donne le pouvoir. Il fallait que nous allions là-bas pour leur donner des assurances et recevoir la garantie de rester au pouvoir ». Tout était clair pour moi. Ce n’est pas le peuple congolais qui donne le pouvoir, malgré le fait qu’il soit considéré comme le souverain primaire.

Comme le peuple congolais ne leur donne pas le pouvoir, ils n’ont pas de compte à lui rendre. Ils vont rendre compte à Washington, à Paris et à Bruxelles, les vrais détenteurs du pouvoir et les « faiseurs des rois ». Ce qui pose le problème de la légitimité du pouvoir de nos dirigeants. La légitimité du pouvoir est donnée par les maîtres étrangers et non par le peuple souverain. C’est une légitimité externe et non interne.

Le système des partis politiques est une importation de l’étranger. Les idéologies politiques nous viennent de l’étranger. Partis socialistes, partis démocrates, partis socialistes chrétiens, partis démocrates-chrétiens, partis de droite, partis de gauche, tous sont des copies certifiées conformes des partis occidentaux avec des idéologies d’importation. Alors que la particratie est en souffrance en Occident, ici nous n’arrêtons de multiplier les partis politiques. A l’heure actuelle, nous pouvons dénombrer un millier de partis politiques dans notre pays et pour la plupart sans contenu idéologique propre, sans vision ni projet de société original.

Lorsque nous observons la manière dont le pouvoir est exercé dans notre pays depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, nous constatons que tous nos dirigeants n’ont qu’un seul modèle qu’ils imitent : c’est le modèle léopoldien. Léopold II en s’appropriant notre terre, la terre de nos ancêtres, n’avait nullement l’intention de nous civiliser. Son mobile était la prédation de nos ressources naturelles. Le modèle léopoldien reposait sur quatre piliers : la prédation ou le pillage des ressources naturelles, la violence (on vous coupait les mains lorsque vous ne produisiez pas la quantité de biens exigée par le colon), la corruption et la division (selon l’adage séculaire : « divide ut impera », « divisez pour mieux régner »).

Bref, 65 ans après une indépendance formelle octroyée, le constat est amer : nous ne sommes pas indépendants et moins encore souverains. Nous sommes un Etat raté fabriqué par les Occidentaux.

 

Que faire pour devenir une nation souveraine et indépendante ?

Rompre le cordon ombilical 

Rompre le cordon ombilical qui nous lie à l’occident colonisateur hier, néo colonisateur aujourd’hui, telle est la première chose que nous devons faire impérativement. Nous devons quitter le diktat de l’Occident impérialiste pour fonder une nation réellement libre et souveraine.

Lorsqu’un enfant est dans le sein maternel, il est lié à sa mère par le cordon ombilical. Il mène une vie symbiotique avec sa mère. Il vit dans une relation fusionnelle avec sa mère. Il dépend totalement de sa mère pour sa croissance. Aussitôt qu’il quitte le sein maternel, la première chose que l’aide accoucheuse fait c’est de couper le cordon ombilical. C’est le début d’une vie autonome, une autonomie qui va se réaliser progressivement. Un autre type de relation s’établit alors entre l’enfant et sa mère, une relation entre deux personnes humaines distinctes : un je et un tu, un moi et un toi.

Rompre le cordon ombilical qui nous lie au colonisateur ne signifie pas que nous coupons la relation avec l’Occident mais plutôt nous établissons un autre type de relation. Nous sortons d’une relation de domination pour entrer dans une relation égalitaire de coopération ou de partenariat selon le principe de la commune humanité. Ce principe nous dit que « par-delà les différences de tribus ou d’ethnies, de partis politiques ou d’idéologie, de langue ou de culture, de religion ou de richesse, de sexe ou d’orientation sexuelle, il n’y a qu’une seule humanité, qui doit être respectée en la personne de chacun et chacune des habitants de la terre »[1].

Rompre le cordon ombilical signifie donc quitter l’état de chose auquel nous avons été réduits et retrouver notre identité d’être humain que nous avons perdue.

Pour opérer cette rupture, il faut commencer par s’indigner contre cet esclavage qui nous est imposé et auquel nous participons consciemment ou inconsciemment. Nous devons prendre conscience de la déshumanisation à laquelle nous sommes soumis et dire non à cet état de chose. Nous devons remettre en question le système d’oppression, d’asservissement dans lequel nous vivons comme des esclaves consentants. Il faudrait réaliser que l’oppresseur ne libérera jamais l’opprimé parce qu’il a besoin de lui plus que l’opprimé n’a besoin de l’oppresseur. L’opprimé doit se libérer lui-même ou il ne le sera jamais. La liberté s’arrache.

Nous devons rompre d’avec l’aliénation mentale, culturelle, politique et économique.

Sur le plan culturel, nous devons développer notre pensée propre. Nous devons penser par nous-mêmes et non plus par procuration. Nous devons devenir des producteurs de la pensée, du savoir et cesser d’être des reproducteurs ou des consommateurs de la pensée des autres.

Il nous faudra opérer une révolution culturelle qui consistera à passer de la culture de l’Avoir à la culture de l’Etre. Nous devons redonner à l’Etre c’est-à-dire à l’homme la place qui lui revient à savoir, la première. Nous devons remettre l’Avoir à sa vraie place celle de moyen au service de l’Etre et non celle de fin.

Sur le plan économique, nous devons quitter le système capitaliste libéral avec son côté déshumanisant et entrer dans un système économique de communion qui repose sur deux valeurs : la solidarité et le partage. Il faudra entrer dans un système économique où l’on travaille non pas pour enrichir les autres mais pour subvenir à ses propres besoins d’abord. Un système économique où l’on produit ce que l’on consomme et où l’on consomme ce que l’on produit.

Sur le plan politique, nous devons quitter la politique autocratique, dictatoriale pour enter dans une gestion collégiale, communautaire où l’on décide ensemble, on agit ensemble et on évalue ensemble. La palabre africaine devrait être le mode de prévention et de résolution des conflits inhérents à la vie en société.

Le choix et la désignation des dirigeants devraient se faire par le peuple selon des modalités que nous devons nous convenir et pas nécessairement en recourant au système électoral qui a montré ses limites. Les dirigeants à choisir devraient correspondre à un profil convenu de manière consensuelle. C’est ici l’occasion  de citer longuement le profil des dirigeants dont l’Afrique a besoin, dont le Nouveau Congo a besoin selon le politologue camerounais Samuel Eboua :  « L’Afrique (le nouveau Congo) a besoin d’hommes et de femmes d’action pénétrés de l’intérêt supérieur de l’Etat, des hommes et des femmes intègres, compétents, travailleurs, meneurs d’hommes, des hommes et des femmes tolérants, rassembleurs, mais intraitables lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt général, des hommes et des femmes capables de réaliser beaucoup avec peu de moyens. Il s’agit d’hommes et de femmes qui n’aiment pas le pouvoir pour le pouvoir, mais pour qui ce dernier ne constitue qu’un instrument leur permettant de réaliser leur idéal au profit de la communauté nationale, et qui sont capables de s’en dessaisir dès lors que, pour une raison ou une autre, ils estiment ne pas être en mesure de réaliser cet idéal… Ces hommes et ces femmes, bien que rares, ne sont pas complètement absents du Congo actuel. Il suffit de les dépister et de les responsabiliser »[2].

Eduquer et former le peuple et les leaders

La rupture du cordon ombilical ne suffit pas pour devenir libre et souverain, indépendant et autonome encore faut-il une éducation appropriée, une éducation qui conscientise et qui libère de la peur. Nous devons repenser tout notre système éducatif qui ne devrait plus se confondre avec la seule instruction qui se mesure aux diplômes que l’on obtient à l’école ou à l’université.

Pour cela nous devons mettre en place une éducation au service de la vie et non au service de la domination. Cette éducation au service de la vie aurait comme objectif principal de former des personnes capables de répondre avec confiance et créativité aux défis de la vie. Elle formerait aussi les personnes qui ont le sens du bien commun et qui se battent non pas pour leur bonheur égoïste mais pour le bonheur de tous, des personnes sensibles aux problèmes et aux souffrances des autres. Elle formerait des personnes qui savent communiquer avec bienveillance pour prévenir et, au cas échéant, résoudre les conflits sans recourir à la violence.

La formation d’une nouvelle classe de leaders devrait être aussi une priorité pour la naissance d’un nouveau Congo. Car un peuple sans leader est une troupe sans commandant, un train sans locomotive.

Nous avons besoin des leaders qui savent travailler en équipe et qui sont des serviteurs du peuple et non des maîtres qui dominent et qui exploitent le peuple. Nous devons former des leaders qui pensent pays avant de penser à eux-mêmes, de vrais patriotes prêts à se sacrifier pour le pays et pour leur peuple. Nous devons former des leaders qui ont une vision et des stratégies d’action transformatrices.

 

Conclusion

En guise de conclusion, je voudrais tout simplement dire qu’après 65 ans d’une indépendance nominale et formelle, les Congolais de la République Démocratique du Congo devraient s’engager dans une révolution culturelle pour reconquérir leur identité d’homme et obtenir leur vraie souveraineté, liberté et autonomie. Cette révolution culturelle qui n’aura pas besoin d’armes pour s’entretuer commencera par le cœur de chaque congolais qui doit se remettre en question et s’engager dans un chemin de changement personnel avant de chercher à changer les autres. Elle sera ensuite une révolution collective de toute la société dans ses structures culturelles, économiques et politiques.

Pour ce faire, nous devrons créer un sentiment d’urgence en rapport au changement que nous devons opérer. Nous devons développer un sentiment d’horreur et d’indignation vis-à-vis de tous les maux dont nous souffrons et qui rongent notre société, ruinent notre vivre-ensemble dont la corruption, le tribalisme, la prédation et la jouissance égoïste, la dépravation des mœurs, etc.

Nous devons nous unir pour former une masse critique capable de remettre en question l’ordre établi par les puissants ou ceux qui se croient puissants. Nous devons développer une vision commune et des stratégies partagées, des stratégies d’action efficaces pour inventer un Autre Congo plus beau que celui dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Dans cette révolution culturelle, nous les intellectuels chrétiens catholiques, nous devons être les meneurs et les éclaireurs du peuple. Telle est la mission qui est la nôtre et sur laquelle l’histoire nous jugera.

Merci pour votre aimable attention.

Faite à Kinshasa, le 30 octobre 2025
José MPUNDU
Prêtre de l’archidiocèse de Kinshasa
Psychologue clinicien

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Bibliographie sommaire

Pour approfondir notre réflexion, je recommande la lecture de quelques ouvrages suivants à titre indicatif :

COLLON, M., Les 7 péchés d’Hugo Chavez, Investig’Action, Bruxelles, 2009

FWELEY DIANGITUKWA, L’Afrique doit renaître, Editions Monde Nouveau Afrique Nouvelle, 2016

FWELEY DIANGITUKWA, La RD Congo au bord de l’abîme, Editions Monde Nouveau Afrique Nouvelle, 2025

FWELEY DIANGITUKWA, Combat pour un Congo libre et démocratique, Editions L’Harmattan, Paris, 2021

KABONGO KAPENDA, F.E., Revenir vers le bien commun. Une notion ignorée ou mal comprise aujourd’hui, L’Harmattan, Paris 2020

TSHIUNZA TANTAMIKA, Gr., L’empire de l’impunité et de la corruption en RDC, Le Lys Bleu Editions, Paris, 2025

MPUNDU, J., Apprendre à communiquer avec bienveillance. Initiation à la communication « girafe », Editions L’Epiphanie, Kinshasa, 2019

MPUNDU, J., Un autre Congo est possible si…, Editions du Groupe Amos, Kinshasa, 2010

PIGNARRE, Ph. & STENGERS, Is., La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoutement, Editions La Découverte, Paris, 2007

MBELU, J-P., A quand le Congo ? Réflexions et propositions pour une renaissance panafricaine, Editions Congo Lobi Lelo, Paris, 2016

MBELU, J-P., La fabrique d’un Etat raté, Editons Congo Lobi Lelo, Paris, 2021

MBELU, J-P., C’est ça Lumumba, Editons Congo Lobi Lelo, Paris, 2020

MBELU, J-P., Demain après Kabila, Editions Congo Lobi Lelo, Paris, 2018

DUSSEY, R., L’Afrique malade de ses hommes politiques, Editions Jean Picollec, Paris, 2008

MULUMBA, C., Piliers et dynamiques pour un grand Congo, Sedag Editions, Kinshasa, 2022

VAN REYBROUCK, D., Contre les élections, Babel, Belgique 2014

MABIKA KALANDA, La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Editions Remarques Africaines, Bruxelles, 1967

KABONGO MALU, E., Mabika Kalanda et l’échec de l’édification nationale au Congo Kinshasa. Elites, conscience et autodétermination, Editions L’Harmattan, Paris, 2020

KANKWENDA MBAYA, Les intellectuels congolaise face à leurs responsabilités devant la nation. Mélanges en mémoire du professeur A.R. Ilunga Kabongo, ICREDES, Kinshasa, 2007

FROMM, E., Avoir ou être. Un choix dont dépend l’avenir de l’homme, Robert Laffont, Paris, 1978

CAILLE, Alain, Manifeste convivialiste. Déclaration d’indépendance, Editions Le Bord de l’Eau, 2013, p. 24.

[1] Extrait du discours de Patrice Lumumba tiré de THURAM, L., Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama, Editions Philippe Rey, Paris 2010, p. 251.

[2] EBOUA, S., Interrogations sur l’Afrique noire, Editions L’Harmattan, Paris 1999, p. 177.

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