Par Jean-Pierre Mbelu
« Les livres lus ensemble délivrent de la bêtise et de l’ignorance. Ils contribuent à produire de l’intelligence collective »
– Babanya
Qu’est-ce qui bloque l’accès aux livres au Kongo-Kinshasa ?
Il est peut-être venu le temps de mettre à la disposition de la jeunesse dissidente, résistante et luttante un catalogue d’un minimum de livres pouvant accompagner ses efforts souverainistes d’émancipation politique et culturelle. Elle donne l’impression d’être frappée par la régression cognitive. Prenons quelques exemples.
Un catalogue d’un minimum de livres…
« Crimes organisés en Afrique centrale » est sur le marché depuis 2004 ; c’est à peine que certains jeunes compatriotes le découvrent. « Stratégie du chaos et du mensonge » est sorti en 2014, il vient à peine d’être lu par des jeunes résistants. « Ces tueurs tutsi. Au coeur de la tragédie congolaise » est publié en 2009. Il y a quelques jours, j’ai vu, sur X, une journaliste kongolaise étonnée du fait que ce livre existe.
Privilégier l’oraliture et les réseaux sociaux sans être « les maîtres de la Parole » a le désavantage de passer à côté de l’approfondissement des questions essentielles…
« La République Démocratique du Congo face au complot de balkanisation et d’implosion », comme ouvrage collectif très bien documenté, est publié en 2013, plusieurs animateurs des télévisions kongolaises et leurs invités n’en ont jamais entendu parlé. « Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique » est sorti en 2010. Ce livre retrace l’histoire du Kongo-Kinshasa depuis Berlin jusqu’à la guerre de l’AFDL, aux différents accords signés, à la façon dont ils ont été rédigés et aux stratégies utilisées par « les faiseurs des rois » pour que le pays de Lumumba ne s’en sorte pas. Beaucoup de compatriotes, de jeunes étudiants, chercheurs et politiciens ne l’ont jamais touché.
« Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales » dit depuis 2007,entre autres, pourquoi le Rwanda de Paul Kagame n’a pas pu ratifier les statuts instituant la Cour Pénale Internationale. Lorsque certains compatriotes se fient encore à cette Cour, ils témoignent qu’ils n’ont jamais entendu parler de ce livre. Lorsque Patrick Mbeko écrit « Le Canada dans les guerres en Afrique centrale », il laisse à Christophe Black, un témoin vivant des méandres du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, les soins d’en publier la postface.
Lire ce que Cynthia McKinney dit dans « Ces tueurs tutsi » aurait épargné plusieurs compatriotes de reprendre le narratif officiel sur les FDLR. « Les guerres d’Afrique. Des origines à nos jours » (2013) abonde dans le même sens. « Rwanda. Eloge du sang »(2020) va davantage dans le même sens et dit comment la guerre de basse intensité imposée aux Grands Lacs Africains a eu les intellectuels dans sa ligne de mire.
Penser est un honneur
Privilégier l’oraliture et les réseaux sociaux sans être « les maîtres de la Parole » a le désavantage de passer à côté de l’approfondissement des questions essentielles et remet aux calendes grecques la transmutation de plusieurs de nos jeunes en « Des survivants obstinés… »; et de comprendre que « Le temps de nous-mêmes est arrivé ».
Une petite bibliographie commentée sera mise à sa disposition afin qu’elle s’habitue à comprendre que penser est un honneur et que des « Des survivants obstinés » ancrant leurs luttes dans la pensée finissent par les gagner sur le temps long.
Savoir que « l’Holocauste au Congo »(2023) et « les crimes organisés » ont déstructuré l’identité et la culture kongolaises en passant par « La fabrique d’un Etat raté »(2022) afin que le pays de Lumumba ne soit pas une « Terre promise »(2023) pour ses filles et ses fils et approfondir cela au quotidien, cela est indispensable à la jeunesse kongolaise ayant compris que « Likambo oyo ezali likambo ya mabele…. »
Petit à petit, une petite bibliographie commentée sera mise à sa disposition afin qu’elle s’habitue à comprendre que penser est un honneur et que des « Des survivants obstinés » ancrant leurs luttes dans la pensée finissent par les gagner sur le temps long.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961