Par Jean- Jacques Wondo, analyste politique freelance. Partie II (Retrouver la partie I).
4 La Menace de la forte présence des opérateurs Indo-Pakistanais.
Beaucoup d’opérateurs indo-pakistanais opèrent librement en RDC sous la protection des certaines autorités de Kinshasa. Cette liberté d’action, fort de la bénédiction des autorités congolaises, devient inquiétante lorsque cela implique le secteur hautement stratégique minier, notamment dans l’exploitation artisanale et illégale dont l’Uranium ; ou lorsque cela concerne le secteur bancaire : blanchiment d’argent. L’information reprise ci-dessous est assez éloquente sur les implications douteuses des entreprises indo-pakistanaises dans les pillages des ressources de la RDC.
En effet, la Radio onusienne OKAPI rapportait le 05/05/2010 qu’une entreprise indopakistanaise, La société minière de diamant du Sankuru, née du partenariat entre une firme indopakistanaise de droit chinois (Ndlr : quel melting-pot ?) du nom d’Indo Afrique Mining et la Minière de Bakwanga (Miba), se serait volatilisée avec plus d’un milliard huit cent millions de Francs congolais (environ 88 millions d’euros) des droits de redevances qui dataient de 2006. Ces révélations faites par la Direction provinciale des recettes du Kasaï Oriental qui a accusé la Miba d’avoir encouragé cette fraude. Le rapport des travaux de la commission de révision des contrats miniers indique qu’il s’agissait d’une joint-venture en vue de l’exploration et l’exploitation des gisements diamantifères sur la rivière Sankuru. Une association où la Miba était minoritaire avec 49% des parts, alors qu’Indo Afrique Mining en possède 51.
La forte présence des opérateurs indo-pakistanais s’accompagne en même temps de la floraison des institutions bancaires dans un pays post-conflit caractérisé par une structure économique fragile et désarticulée. Et pourtant, les banques, en tant qu’opérateurs générateurs des capitaux, constituent le moteur du décollage économique et de la création d’emplois via les investissements et crédits octroyés. De ce fait, elles sont donc des canaux incontournables devant stimuler la croissance économique. Pour cela, elles doivent orienter leurs actions sur les opérations encourageant l’épargne, le financement des entrepreneurs, des PME et des coopératives via des crédits et micro-crédits devant leur permettre de lancer ou d’étendre leurs activités en touchant une part importante de la population, censée constituer la classe moyenne, capable de soutenir l’économie nationale. Seulement, dans le cas de la RDC, la prudence doit être de mise dans la mesure où, bon nombre de banques y installées dernièrement se livrent très peu dans les activités d’investissements et de financements des projets à vocation socioéconomique.
Elles préfèrent, par contre, s’orienter vers les activités de transactions en tant qu’intermédiaires. Cela, afin d’éviter le piège de voir ces banques privilégier des opérations de nature à fragiliser davantage ce secteur déjà défaillant à sa base. Surtout que le secteur bancaire des pays dits fragiles ou instables est un des secteurs ayant plus d’interconnexions avec des circuits mafieux, notamment par la mise en place d’un système insidieux de blanchiment des capitaux en créant des zones d’ombre de sorte à détourner les banques de leur mission première.
En effet, c’est le cas du procès dit de la « Belgolaise », instruit devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, actuellement suspendu. Il s’agit d’un procès qui met à jour des opérations bancaires illicites au niveau de la Belgolaise, impliquant des détournements des fonds et de blanchiment d’argent sale au détriment de la Miba. Des montants colossaux estimés à quelque 80 millions de dollars et ayant servi entre autres aux achats d’armes. On y découvre outre des transferts directs entre les comptes de la Miba et celles des sociétés de vente de matériel militaire, d’autres transferts, via un compte écran de la Banque Centrale du Congo (BCC) ouvert en Suisse. Un procès qui met devant le banc des accusés l’actuel ambassadeur de la RDC à Kampala, en Ouganda, Jean-Charles Okoto Lolakombe; anciennement président administrateur-délégué de la Miba et ministre des Affaires étrangères de 1998 à 1999. Ancien pourvoyeur financier occulte de Joseph Kabila, du temps où ce dernier était chef d’Etat-major de la force terrestre et disposait d’un accès financier très limité du fait que LD Kabila avait verrouillé les possibilités d’enrichissement personnel indu à ses collaborateurs.
Parmi les opérateurs et les banques islamiques actifs en RDC, on peut citer :
La Bank of Credit and Commerce International (BCCI), fondée avec le soutien du souverain d’Abou Dhabi, Cheikh Zayed, en 1972 par un financier pakistanais aussi véreux que charismatique, Agha Hasan Abedi, s’est spécialisée dans l’escroquerie financière au détriment de ses déposants, a aidé des chefs d’État à siphonner les ressources de leur pays, a travaillé de pair avec Saddam Hussein et Manuel Noriega et s’est livrée au trafic d’influence à Washington ou à Londres en bénéficiant de la cécité, de la complaisance, si ce n’est de la complicité de la Réserve fédérale américaine, de la Banque d’Angleterre, de la CIA et de la City D’un point de vue financier, Al-Qaïda est le surgeon de ce montage qui atteste la reconstitution de la « coexistence symbiotique », dans sa dimension transnationale et globale, de l’État et du crime. Ce dernier a de longue date été adjoint à l’accumulation économique, à la régulation ou à la centralisation politique, au contrôle social des pauvres, des opposants ou des détenus, à l’exercice de la justice et de la coercition, à la pratique de la guerre, à la revendication nationaliste, révolutionnaire ou démocratique, et aussi bien à la répression de celles-ci.
La Raw Bank, branche commerciale du groupe indien Rawji, créée en 2002, active en RD Congo depuis près d’un siècle et très diversifié. C’est un des grands conglomérats de l’économie congolaise actuelle, dans lequel l’on compte également Beltexco, Marsavco,…
La banque d’affaires « Millénium finance corporation » fondée en 2005 et a pour actionnaire de référence la « Dubaï Islamic Bank-DIB » associée à d’autres banques du Moyen-Orient.
5. Une dangereuse mafia du trafic illicite de l’Uranium impliquant le cercle du régime congolais
A titre d’illustration, nous faisons part des informations recueillies des sources dignes de foi sur les activités auxquelles se livrent certains proches de Mr. Joseph Kabila. Ces sources sont parvenues à tracer l’itinéraire de ce dangereux trafic.
Patrick Bologna : marié à la sœur de l’épouse de Kabila et député récemment validé aux législatives de 2011 et Dany Banza, député provincial du Katanga, très proche collaborateur et et même temps beau-frère de Moïse Katumbi, seraient impliqués dans le trafic illicite d’uranium via Kigali par Gisenyi. Ils bénéficieraient de l’escorte d’un certain Hubert Kahozi, proche de Joseph Kabila. Il semble que lors des traversées Goma-Gisenyi, le lieutenant Hubert Kahozi troquerait son uniforme FARDC pour celle de RDF (Rwanda Defence Forces). Il semble que Bologna, Banza (Tous deux membres d’un parti nouveau alimentaire dénommé ACO : Avenir du Congo) et Zoé Kabila, le frère du Président, utilisent deux corridors pour sortir l’uranium et le cuivre du Katanga via la Zambie vers l’Afrique du Sud et via la Tanzanie vers Rwanda. L’Uranium est vendu à Dubaï.
Les transactions et la livraison des marchandises se font dans un Hôtel dénommé BUDDHA-BAR DUBAÏ. Un hôtel de luxe où Bologna et Zoé Kabila possèdent des parts, selon des sources dignes de foi. C’est au nom de la société de Patrick BOLOGNA, BOLPAT CORPORATION « BOLOGNA PATRICK CORPORATION » que les transactions relatives à la vente de l’uranium sont effectuées auprès des clients arabes via des intermédiaires ukrainiens à Dubaï. Notons que Mr. Bologna est un sujet italien, possédant le passeport n° YA 002135, délivré le 11 janvier 2010 et expirant le 13 août 2013, proclamé député national après repêchage par la CSJ alors qu’il avait admis sa défaite. De plus, compte tenu de sa proximité avec le milieu de la musique congolaise, friande de l’Occident, il a longtemps travaillé comme agent de l’ANR extérieur, dont il percevait un salaire mensuel, en vue d’infiltrer certains milieux de la diaspora congolaise en occident.
D’ailleurs, une partie des dividendes engrangées par Zoé Kabila a directement été investi dans l’achat d’une résidence immobilière aux Etas-Unis en novembre 2010. Un autre contact anonyme dans ce dossier très sensible nous a fait savoir que les dividendes du marché illicite de l’uranium, qui rapporterait au minimum 300.000$ US par voyage, sont partagées entre le « Raïs », son frère Zoé, Bologna, Katumbi et Danny Banza. D’ailleurs c’est avec les revenus de ce business que Zoé Kabila s’est rendu aux Etats-Unis en automne 2010 pour y acheter une maison. Nous en avons eu la confirmation via une source protagoniste à ces transactions et négociations.
D’autres sources anonymes ayant eu accès à l’entourage du feu, le « Tout-Puissant » Augustin Katumba Mwanke, mais furieux du démantèlement de leur réseau d’influence auprès de Joseph Kabila après la mort de ce dernier, m’ont affirmé la possibilité d’une présence des libanais proches d’Al-Qaida au Congo, qui travailleraient dans le secteur de blanchiment d’argent avec Zoe Kabila. Ils ont en outre indiqué des interconnexions avec le Groupe « Millenium Finance Corporation », dirigé par Mr. Keba Keinde. Un groupe financier qui a réalisé d’importants investissements suspects depuis 2010 dans plusieurs secteurs d’activités en RDC, notamment les domaines agricole, minier et immobilier. S’agissant du spectaculaire « boom immobilier » constaté ces dernières années à Kinshasa et dans les grandes villes du pays, pour des criminologues avertis, deux indices peuvent expliquer le boom immobilier dans un pays post-conflit : soit une véritable émergence économique comme l’ont connu les pays du Sud-est asiatique (ASEAN) ; soit une réinjection de l’argent sale issu des bénéfices tirés des activités mafieuses dans le circuit immobilier. Il est impressionnant de constater avec effroi que la situation d’explosion immobilière anarchique que connait actuellement la RDC ressemble à s’y méprendre à celle du Liban au sortir des années 1980. A chacun de tirer sa propre conclusion.
Enfin, pour son implantation en RDC, notons que le Groupe Millenium Finance Corporation aurait bénéficié des largesses, via le versement des commissions illicites, de la part du premier ministre sortant, Adolphe Muzito, dernièrement mise en cause par le député de sa propre mouvance politique, Gérard Mulumba dit GECOCO. Rappelons que ce groupe a pour actionnaire de référence la « Dubaï Islamic Bank-DIB », mentionnée plus haut. Ainsi la toile d’araignée détricote ses ramifications.
6. L’infiltration d’Al-Qaïda en Afrique et en RDC.
Depuis 2002, la présence de djihadistes internationaux s’est accrue au Sahel. Al-Qaïda cherchant à y créer une zone refuge pour ses cadres et ses militants forcés de s’expatrier suite à la guerre au terrorisme déclenchée par les Américains. En effet, Al-Qaïda, chassé des montagnes d’Afghanistan, n’étant plus parfaitement en sécurité au Pakistan et en Iran, cherche des havres sûrs pour y installer des facilités logistiques permettant d’abriter et d’entraîner ses activistes afin de les renvoyer au combat contre les « apostats et les mécréants », vers de nouvelles zones de bataille au nombre desquelles figurent la corne de l’Afrique, le Sahel, la partie orientale et de l’Afrique (Kenya, Ouganda et Tanzanie), les confins de la partie nord-est congolaise; avec le risque de contamination sur l’ensemble de ce pays instable et post-conflit.
Les réseaux terroristes trouvent en Afrique une zone de repli idéale, d’autant qu’aucune politique organisée visant à a démanteler le terrorisme n’a véritablement été mise en place. Ce laxisme se double d’une corruption endémique qui facilite la liberté de manœuvre des terroristes. C’est pourquoi les Etats-Unis insistent désormais sur l’importance primordiale que revêt le continent noir dans le cadre de la lutte antiterroriste1. Avant d’entamer sa tournée africaine qui l’a mené successivement au Sénégal, en Afrique du Sud, au Bostwana, en Ouganda et au Nigéria, le président Bush a annoncé que son administration allait débloquer une enveloppe de 100 millions de dollars pour soutenir les pays africains dans la lutte contre le terrorisme. Cette aide sera surtout employée à améliorer la sécurité des ports et des aéroports, qui assurent le commerce international avec les Etats-Unis.1 Mais cela concerne aussi l’assistance militaire. Discrètement, les Américains installent au Mali d’importants moyens de lutte antiterroriste. Une nouvelle ambassade est en cours de construction. Le bureau local de la CIA est en train de devenir l’un des plus importants de la région sahélienne. Depuis le Mali, les Américains surveillent tous les mouvements
Au Maghreb, Al-Qaïda s’appuie essentiellement sur le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien d’Hassan Hattab. De 1999 à 2000, des écoutes téléphoniques ont révélé que des liens personnels existaient entre le chef historique du GSPC et Ousama Ben Laden. Ce serait d’ailleurs ce dernier qui aurait poussé Hassan Hattab à fonder le GSPC en septembre 1998 après qu’une fatwa condamnant les dérives meurtrières des GIA ait été lancée par le Jordano-palestinien Abou Koutada, le représentant d’Al-Qaïda en Europe. Depuis, ce mouvement algérien a mis ses réseaux européens à la disposition de la nébuleuse Al-Qaïda. En échange, le GSPC reçoit des financements pour poursuivre la lutte en Algérie.
Dans la corne d’Afrique, le « Jammat e-Djihad Eritre » actif en Erythrée et en Somalie est considéré comme un mouvement associé à Al-Qaeda depuis que son chef politique, le Cheikh Arara, a connu Ben Laden lors de son séjour dans le pays de 1992 à 1996. Leur officier de liaison serait Mohammed al-Kheir. Au Soudan, le vieux leader islamique, Hassan Al-Tourabi, encore président du « congrès populaire », avait été libéré après presque trois ans de maintien en résidence surveillée. Il a été réincarcéré à la fin mars 2004, soupçonné par le régime du président Omar Hasan al Bachir, d’avoir voulu participer à un putsch. Etant donné sa position très surveillée, il est peu probable qu’il ait maintenu des contacts avec Ben Laden. Cependant, il est vrai que la menace fondamentaliste musulman, qui est déjà active à la corne de l’Afrique et au Sahel, et signalée en Afrique Orientale, est bien réelle et que cette menace est déjà aux portes de la RDC. Elle risque d’atteindre les zones sensibles de ce pays fragile, dont les Kivu et l’Ituri constituent le ventre mou et poreux.
En ce qui concerne la RDC, un officier ougandais aurait témoigné qu’il était possible de transporter des explosifs ou armes à partir de la Libye ou du Tchad pour les acheminer en RDC. Les analystes estiment que les frontières perméalables de la RDC constituent un couloir ou une porte d’entrée pouvant faire des intérêts occidentaux en RDC ou dans le monde une cible potentielle des terroristes ou une plaque tournante à partir de laquelle peuvent être menées des actions terroristes. Dans la partie frontalière entre la RDC, l’Ouganda et le Soudan, les contrôles frontaliers formels étant inexistants, la corruption et l’absence des structures étatiques viables rendent théoriquement cette région d’Afrique des grands-Lacs susceptible de devenir une plaque tournante de trafic illicite d’uranium. La corruption endémique en RDC est d’ailleurs considérée par les services de renseignement américains, pire que l’épidémie de VIH/AIDS.
Le chef d’état-major général ougandais James KAZINI, a déclaré qu’il est possible de tout transporter à partir de cette partie de la RDC vers le Tchad ou via le Lac Albert ou le Lac Tanganyika du fait de l’absence de l’autorité de l’Etat.3 Il déclarait posséder des documents prouvant la tentative échouée d’Oussama Ben Laden d’exploiter l’axe montagneux de la Ruwenzori pour infiltrer la zone frontalière entre l’Ouganda et la RDC, en alliance avec un groupe rébelle ADF (Allied Democratic Forces). On se demande si avec la pfrte présence libano-indo-pakistanais et le chèque en blanc leur concédé dans presque tous les domaines d’activités économiques, cela n’est déjà pas fait.
7. Le Groupe Al-Shabaab : une menace régionale qui gagne de l’envergure au sein du jihad en Afrique
Les shebab, dont la création remonterait à 2006, étaient à l’origine le mouvement de la jeunesse des Tribunaux islamiques, qui ont contrôlé brièvement la Somalie au deuxième semestre 2006 avant d’être mis en déroute par l’armée éthiopienne. Tandis que la majeure partie des dirigeants des Tribunaux partaient en exil, les combattants restés en Somalie pour combattre les troupes éthiopiennes s’unissaient sous la bannière shebab, (ou Al-Shabaab) qui devint de fait le bras armé du mouvement islamiste somalien. Ce groupe veut mettre en application une forme très stricte de la Charia (loi islamique). Le chef des shebab, Mohamed Abdi Godane, alias Abou Zubaïr, est un religieux natif du Somaliland qui compense ses très rares apparitions publiques par la diffusion de messages enregistrés via des médias locaux ou internet. Les shebab, qui contrôlent environ 80% de la Somalie, seraient en mesure de mobiliser 7. 000 hommes, dont 3. 000 réellement aguerris. Le mouvement comprend une branche armée, « Jeish al-Usrah » (« L’armée de la souffrance »), et une police religieuse, principal organe de propagande connu sous le nom de Jeish al-Hisbah (« L’armée de la moralité »).
En octobre 2008, les shebab franchissaient un cap en organisant des attaques suicide simultanées dans les deux régions autonomes du nord de la Somalie, le Puntland et le Somaliland. Courant 2009, un afflux sans précédent de combattants étrangers renforçait les craintes des Etats-Unis et de leurs alliés de voir la Somalie devenir un nouveau sanctuaire d’Al-Qaïda.
Jusque récemment, le groupe poursuivait des objectifs strictement internes à la Somalie et des discussions avec les dirigeants du mouvement permettaient aux agences humanitaires d’acheminer et de distribuer leur aide. En effet, ce groupe somalien, qui a officiellement prêté allégeance à Oussama Ben Laden en septembre 2009, n’hésite pas à menacer l’étranger. Il s’en est pris d’abord au Kenya, accusé de former les militaires des forces du gouvernement de transition4. Ensuite Al-Shabaab a menacé de frapper au cœur des capitales de l’Ouganda et du Burundi, pays frontaliers à la RDC, en représailles à la participation des militaires de ces pays à l’AMISOM, considérée par les islamistes comme une force d’occupation5. Des menaces à prendre très au sérieux compte tenu de l’allégeance faite par les shebab à Al-Qaïda qui a déjà durement frappé le Kenya et la Tanzanie, en août 1998, lors des attaques contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar Es-Salam. D’ailleurs ces attentats avaient été préparés en Somalie. Selon des responsables de l’AMISOM certains des combattants d’Al Shabaab seraient ougandais, provenant du mouvement rebelle ougandais ADF opérant dans les montagnes du Ruwenzori à la frontière ouest de l’Ouganda avec la RDC.
S’agissant du double attentat suicide qui a visé un restaurant éthiopien et le bar d’un club de rugby qui retransmettaient la finale de la Coupe du monde de football tuant 76 personnes le 11 juillet 2010 à Kampala, dans la capitale ougandaise, les insurgés somaliens shebab ont été désignés comme étant les principaux suspects de ces actes terroristes. Depuis, ils ont gagné en envergure et en notoriété pour se présenter comme étant les représentants attitrés d’Al-Qaïda en Afrique de l’Est. Ce mouvement islamiste radical, à la tête d’une insurrection contre le fragile gouvernement de transition somalien, n’a certes pas revendiqué la paternité de ces attaques. Mais des sites internet proches du mouvement se sont félicités de ces attentats perpétrés dans un pays pourvoyeur de la moitié des troupes de la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom) tandis que des dirigeants shebab avaient menacé de telles attaques au début du mois.
Si leur implication dans les explosions de Kampala se confirmait, ces attentats marqueraient leur première action d’envergure à l’extérieur de la Somalie, ultime étape d’un processus visant apparemment à acquérir la franchise Al-Qaïda pour l’Afrique de l’Est et Centrale. Les explosions de Kampala sont les plus meurtrières dans la sous-région depuis les attentats d’août 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi et Dar es-Salaam qui avaient fait plus de 200 morts et avaient été revendiquées par Al-Qaïda. Plusieurs suspects recherchés pour ces attentats ont été repérés ces dernières années en Somalie, parmi eux le Comorien Fazul Abdullah Muhammad, qui occuperait un poste important dans la hiérarchie shebab. Il n’est pas exclus que ce groupe ou d’autres mouvements radicaux islamistes, profitent du grand rendez-vous international de la Francophonie prévue en octobre à Kinshasa, pour faire parler à nouveau la poudre. Car en quête d’une nouvelle identité, existence et territorialité depuis la mort de Ben Laden et l’affaiblissement et l’expulsion des activistes wahhabites et salafistes d’Al-Qaïda des zones tribales pachtounes turbulentes et irrédentistes pakistano-Afghanistanes. Leurs confrères d’AQMI occupent de plus en plus le terrain dans le Sahel.
Concernant la liquidation de Ben Laden, chose étrange, la RDC, par la voix de son ministre des Médias et porte-parole du gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC), Lambert Mende Omalanga, a été le seul pays d’Afrique Centrale à avoir condamné l’exécution d’Oussama Ben Laden, dans une interview à la radio privée Top Congo : « Nous ne soutenons pas le terrorisme, mais il aurait fallu l’arrêter, l’entendre et le juger« , a-t-il souligné. Pour Mende, ce que les Etats-Unis ont fait c’est combattre le mal par le mal. Ben Laden, chef d’Al-Qaïda, considéré comme le symbole du terrorisme, a été tué le 1er mai dans sa villa d’Abbottabad, à 80 km de la capitale pakistanaise, Islamabad, au cours d’une opération menée par un commando américain. Qu’est ce qui a poussé le griot de Mr Kabila à faire une pareille déclaration qui cacherait sans doute une anguille sous roche ?
8. Un nouveau réinvestissement des USA en RDC pour contrer la menace terroriste ?
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les USA se sont installés en Afrique centrale, particulièrement en RDC, pour s’opposer à l’expansionnisme communiste de l’URSS. Après l’effondrement de l’URSS, les USA se sont désengagés peu à peu de cette zone d’Afrique et n’y ont maintenu qu’une présence économique, par l’entremise des firmes minières et pétrolières, de sorte que les USA n’ont même pas répondu à empêcher le génocide au Rwanda en 1994. Le président Clinton est allé présenter des excuses plus tard à Kigali (capitale du Rwanda), à partir de l’aéroport. Les interminables conflits qui secouent ce pays riche en minéraux depuis environ 15 ans commencent à inquiéter l’Administration américaine. Et depuis peu, on constate que les Etats-Unis commencent peu à peu à (re)consacrer un intérêt particulier à la situation sécuritaire de la RDC.
Les Américains tentent actuellement de parer cette menace. Toutefois, leurs intérêts en Afrique ne sont pas uniquement sécuritaires, mais également politico-économiques. Constance Newman, l’ex- secrétaire d’Etat adjointe aux affaires africaines soulignait en mai 2004 que « l’Afrique est un continent au potentiel illimité, et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les Américains à réaliser ce potentiel, à aider les Africains à réaliser ce potentiel et à créer, ensemble, un avenir plus prometteur« . C’est ainsi que les experts estiment qu’au cours des prochaines années, l’Afrique va couvrir 30 % des besoins en pétrole des Etats-Unis. C’est ainsi que l’on peut remarquer une impressionnante présence américaine en Angola où l’ambassade américaine à Luanda est transformée en une forteresse abritant des centaines de marines US prêts à intervenir pour assurer la protection de leurs intérêts pétroliers dans ce pays.
Parlant de l’aspect sécuritaire, nous observons que Washington met progressivement en œuvre un programme majeur pour conserver la main haute sur la RDC qui doit lui servir de « zone avancée » en Afrique. Ce programme a pour ambition d’intensifier la présence des USA sur le plan des opérations militaires et autres en RDC. En effet, la RDC fait progressivement l’objet d’une nouvelle stratégie géopolitique « hot spot » des USA, notamment dans le cadre du renforcement de l’AFRICOM. Au Rwanda, en Ouganda comme au Burundi, l’argument ethnique fait de moins en moins recette. Voici les dirigeants de ces pays changer de stratégie en mettant en avant les menaces terroristes qui pourraient toucher leurs pays respectifs au départ de la RDC. Cela, pour justifier entre autres les interventions de leurs armées respectives en RDC et ainsi faire les yeux doux aux USA, très sensibles à cette question. Rappelons que le Burundi a notamment envoyé en Somalie un contingent militaire de plusieurs milliers d’hommes dans le cadre de l’Afrisom (l’opération militaire de l’ONU). Cet engagement lui vaut, à l’instar de l’Ouganda, d’être menacé par une action punitive des chebab, les islamistes somaliens liés à Al-Qaïda. Quant au Rwanda, il a déployé trois mille trois cents casques bleus au Darfour, dont un contingent féminin. Alors que l’Ouganda est engagé depuis des années dans la lutte contre la rébellion LRA de Kony que Kampala accuse d’accointance avec le régime de Khartoum au Soudan. Toutes les raisons pertinentes pour pousser Al Qaïda ou les milices shebab ou leurs autres alliés financées par les filières islamistes contrôlant l’économie grise congolaise, à mener des actions de représailles comme à Kampala en 2010 contre ces pays au départ de l’Est instable et poreux de la RDC.
CONCLUSION
Face aux menaces ci-haut décrites, la RDC a besoin d’un soutien appuyé des pays alliés traditionnels pour l’accompagner dans la réalisation d’une vision politique visant à faire de la RDC un « containment » contre le terrorisme et le fondamentalisme musulman. Mais cela doit d’abord passer par l’instauration de la paix, la sécurité et la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du pays. Cela permettrait d’éviter de voir la RDC, du fait du caractère transnational des menaces terroristes induites par la poussée de l’intégrisme en Afrique, devenir une partie intégrante d’un champ de confrontation plus extensive. Pour ce faire, il faut définir d’abord un cadre global et multilatéral de coopération internationale. La coopération multilatérale, en non les diverses coopérations bilatérales aux contours flous privilégiés actuellement par le régime de Kinshasa, serait le cadre le plus adéquat pour apporter une réponse proportionnée et maîtrisée sur le caractère transnational et géopolitique de l’insécurité, de la criminalité transnationale, en ce comprise la menace terroriste et des pillages des ressources via des circuits mafieux. Cette coopération multilatérale avec les pays alliés, premières cibles potentielles de la menace terroriste, tout en répondant à leurs préoccupations sécuritaires, doit également aboutir au renforcement de capacités de l’Etat congolais dans les domaines de la réforme des services de sécurité, de la recherche et l’analyse du renseignement, des opérations militaires, des investigations judiciaires, de la détection des transactions financières suspectes et des trafics illicites des matières premières pour lutter efficacement contre la pénétration d’Al-Qaïda en Afrique centrale dont la RDC constitue un terreau idéal de germination.
Comme on le sait, la realpolitik n’a pas pitié des faibles, les difficultés de la RDC pèsent sur les transformations de l’Afrique centrale et menacent la sécurité internationale si l’ordre politique actuel se maintient. Malgré que Mr. Kabila doive sa réélection à la diplomatie de l’ombre exercée tout azimuts par le juif Dan Gertler. En effet, ces difficultés seront vraisemblablement alourdies par la dérive dictatoriale qui s’enracine à la suite d’un président, non élu, qui ne jouit pas de légitimité populaire et politique suffisantes car contraint à gouverner le pays par défi manu militari. D’autant que des bouffées de violence dans plusieurs parties du pays commencent à s’accentuer en convergence avec la déliquescence des services de sécurité faisant de ce pays un sanctuaire du commerce illégal des ressources naturelles, une plaque tournante des différents trafics illicites (drogue, êtres humains, blanchiment d’argent, crime organisé de tout genre…) et pourquoi pas une base arrière et un réservoir fécond des groupes terroristes au point de menacer les intérêt géostratégiques des pays alliés traditionnels de la RDC.
En effet, Mr. Kabila fait preuve de manque criant de vision géopolitique sur les grands enjeux stratégiques nationaux et internationaux de notre siècle. Sa gouvernance chaotique fait peser une menace d’instabilité non seulement sur le Congo mais également sur toute la région des Grands Lacs et sur les intérêts sécuritaires des pays traditionnellement alliés à la RDC. Son déficit de gouvernance et de leadership en RDC et dans la région, alors qu’il se maintient à la tête du pays à qui doit revenir ce leadership régional, est générateur d’injustices, d’insécurité et de frustrations tant à l’intérieur du pays que dans le chef de nos voisins; et entretient de ce fait une situation d’instabilité géopolitique permanente susceptible d’imploser à tout moment et aux conséquences incommensurables.
Enfin, ce qui doit davantage interpeller plus d’un observateur est que dans moins de quatre mois, Kinshasa va abriter le XIVème sommet de la Francophonie. Or dans un climat géopolitique mondial où Al-Qaïda et d’autres mouvements islamistes perdent de plus en plus du terrain au Moyen-Orient et en Asie Centrale et trouve en Afrique subsaharienne le nouveau terreau rentable et propice à son expansion. De plus et à la lumière des éléments développés dans cette réflexion où la connexité entre le régime Kabila avec les milieux financiers islamistes bien implantés à Kinshasa d’une part et les relations diplomatiques décrites d’excellentes entre la RDC et la République islamique d’Iran rapprochent davantage Kinshasa de Téhéran, d’autre part. Il n’est pas exclus que les groupes terroristes islamistes ou ceux faisant allégeance à Al-Qaïda, dont certaines cellules dormantes déjà signalées dans la Capitale frondeuse, profitent de cette occasion pour se donner un nouveau souffle en posant des actes de nature à faire la démonstration de leur puissance de nuisance dans une capitale, encore politiquement et sécuritairement crispée, qui peine à tourner la page douloureuse des élections de la honte.
Que les futurs participants à la Francophonie ne s’émeuvent. pas qu’ils ignoraient les menaces djihadistes des salafistes qui pèsent sur ce pays non-Etat où les dirigeants font des affaires juteux avec des milieux affairistes soupçonnés de financer des groupes terroristes de certains pays dits voyous.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Analyste Politique freelance