Par Jean-Pierre Mbelu
Le 24 mars 2016, Lambert Mende tient un point de presse à Kinshasa. Au cours de ce point de presse, il s’en prend au Docteur Mukwege et à ses parrains tout en révélant que depuis 1994, les grandes puissances ont coalisé avec des groupes criminels pour tuer les paisibles citoyens congolais. »Le génocide du Grand Kasaï » révèle que ces groupes criminels ont occupé tout le pays et disposent d’ une grande mobilité. Ils passent d’un coin à l’autre du pays et tuent sans aucun état d’âme. Ce »génocide » nous apprend que l’extermination des Congolais(es) en marche depuis 1885 se poursuit. Elle relève du déni de l’altérité congolaise. Elle apparente plus ou moins le peuple congolais aux autres peuples exterminés (ou sur la voie de l’être) au cours de l’histoire : les Indiens, les Juifs, les Chinois, les Russes, etc.
Le Congo-Kinshasa est à un tournant très dangereux. Un tournant prévisible pour »le petit reste » congolais n’ayant pas versé dans l’amnésie. Depuis plusieurs mois, le Congo-Kinshasa connaît »un temps de pourrissement ».
« Killing is (our) business, and business is good »
Des signes précurseurs d’un dénouement tragique de la parenthèse ouverte par la guerre raciste et de prédation menée par les anglo-saxons contre ce pays par des proxys interposés sont là : l’intensification des meurtres, des assassinats et »le génocide Kasaïen ». Si je parle d’un dénouement tragique, c’est en tenant compte du fait que ceux qui ont décidé d’exterminer les Congolais(es) ne sont pas prêts à pouvoir renoncer à ce projet macabre ; malgré »faux signes » apparents.
Ils ont intégré le principe selon lequel »killing is (our) business, and business is good » (Tuer, c’est du business, et ce business marche fort) ». En effet, le capitalisme ensauvagé sur le déclin croit fermement que la guerre est un bon marché. Ses »petites mains » partagent cette conviction avec leurs sous-fifres et autres proxys. Ceux-ci appliquent cette conviction-principe sur le terrain congolais et africain. Pour perpétuer ce »business », ‘les petites mains » du capital ensauvagé ont souvent besoin de renouveler leurs sous-fifres et autres proxys en en sacrifiant quelques-uns dans les rangs des anciens. Elles peuvent même créer des procès »réels » contre ceux-ci.
ceux qui ont décidé d’exterminer les Congolais(es) ne sont pas prêts à pouvoir renoncer à ce projet macabre ; malgré « faux signes » apparents. Ils ont intégré le principe selon lequel « killing is (our) business, and business is good » (Tuer, c’est du business, et ce business marche fort)
Pourquoi ? Elles ont besoin d’une opinion publique croyant en leur capacité de défendre les valeurs de la démocratie et de la justice. Néanmoins, cette instrumentalisation de l’opinion publique n’est qu’une »méchante tactique » servant à livrer les masses populaires à l’assaut des prochains sous-fifres et proxys disposant d’un pouvoir-os-néocolonial. Cette tactique est tellement subtile qu’elle n’est maîtrisée que par ceux et celles qui ont pris le temps d’étudier »le mode opératoire » du capitalisme ensauvagé et de »ses petites mains ». Elle fonctionne dans la mesure où la maîtrise ce »mode opératoire » n’est pas encore devenue la chose la mieux partagée par les masses populaires. Dans certains milieux intellectuels et des ONG adeptes du court-termisme, cette tactique fait des émules. Ce fonctionnement dit l’incapacitation de ces derniers de pouvoir étudier l’autre sur le temps long et les dégâts que peuvent causer l’amnésie.
Le génocide Kasaïen
Il y a quelques jours, la journaliste de la RFI, Sonia Rolley, a publié, en trois parties, une enquête très intéressante sur »le génocide des Kasaïens ». Cette enquête est très détaillée et permet d’identifier »le mode opératoire » des proxys congolais et rwandais du capitalisme ensauvagé. Certaines questions posées par Christophe Boibouvier à Lambert Mende sur ce »mode opératoire » permettent de comprendre comment certains »tueurs à gages » issus des opérations de brassage et mixage des groupes armés criminels (AFDL, RCD, CNDP, M23, etc.) se retrouvent sur le champ du »génocide » au Grand Kasaï.
Je reprends quelques questions :
« L’un des principaux officiers suspects dans ces atrocités c’est le colonel François Muhire. Or ce même officier est l’un des 14 militaires congolais suspectés par la justice militaire d’avoir commis le massacre de Kitchanga. C’était au Nord-Kivu en février 2013. Pourquoi, malgré l’enquête de quatre ans menée par l’auditeur militaire de Goma, les quelque 460 témoins entendus par cet auditeur militaire, pourquoi cet officier est-il toujours en liberté et même à la tête d’une unité de l’armée congolaise actuellement dans le Grand Kasaï ? »
« Oui, mais Kitchanga c’était en février 2013. Aujourd’hui, nous sommes en juin 2017. Ça fait quand même plus de quatre ans que ce massacre a eu lieu dans le Nord-Kivu. Comment se fait-il que l’un des principaux suspects de cette affaire continue de commander une unité dans une autre région du pays ? »
« L’unité du suspect François Muhire, cette unité qui est suspectée d’avoir massacré au Nord-Kivu en 2013, c’est le 812è régiment de l’armée congolaise. Pourquoi cette unité a-t-elle été mutée ensuite au Kasaï central au moment où commençaient les affrontements entre forces de sécurité et miliciens ? »
Ceux qui ont orchestré la guerre raciste contre le Congo-Kinshasa et le rôle qu’ils font jouer à leurs proxys disparaissent de plus en plus des médias dominants traitant du « génocide congolais ». C’est un signe qui ne ment pas. L’étau doit pouvoir se refermer sur les Congolais(es) et sur certains « acteurs apparents ».
Il est intéressant de lire la réponse de Lambert Mende à cette autre question :
« Plusieurs personnes appartenant à ce régiment sont suspectées dans le massacre de Kitchanga et c’est le même régiment qui aujourd’hui est affecté dans une région très troublée comme celle du Grand Kassaï. Est-ce que ce n’est pas une grave imprudence d’avoir muté cette unité dans une région aussi troublée ? ». Mende répond : « Vous me posez des questions d’ordre stratégique, des questions d’ordre tactique, auxquelles je ne suis pas en mesure de vous répondre. »
Pourtant, il y a moyen de relire certains textes des points de presse de Mende et de comprendre que la stratégie et la tactique de ceux qui ont orchestré la guerre raciste contre le Congo-Kinshasa et le rôle qu’ils font jouer à leurs proxys. Eux n’apparaissent pas dans les enquêtes de Sonia Rolley. Ils disparaissent de plus en plus des médias dominants traitant du »génocide congolais ». C’est un signe qui ne ment pas. L’étau doit pouvoir se refermer sur les Congolais(es) et sur certains »acteurs apparents ».
Entretenir la mémoire collective vivante
Pour rappel, le 24 mars 2016, Lambert Mende tient un point de presse à Kinshasa. Au cours de ce point de presse, il s’en prend au Docteur Mukwege et à ses parrains tout en révélant que depuis 1994, les grandes puissances ont coalisé avec des groupes criminels pour tuer les paisibles citoyens congolais. »Le génocide du Grand Kasaï » révèle que ces groupes criminels ont occupé tout le pays et disposent d’ une grande mobilité. Ils passent d’un coin à l’autre du pays et tuent sans aucun état d’âme. Ce »génocide » nous apprend que l’extermination des Congolais(es) en marche depuis 1885 se poursuit. Elle relève du déni de l’altérité congolaise. Elle apparente plus ou moins le peuple congolais aux autres peuples exterminés (ou sur la voie de l’être) au cours de l’histoire : les Indiens, les Juifs, les Chinois, les Russes, etc.
Entretenir la mémoire collective vivante est indispensable à un autre devenir au Congo-Kinshasa. L’amnésie est l’alliée du court-termisme. La lutte pour un autre Congo doit se mener sur le temps long et plonger ses racines dans l’histoire la plus reculée de tous les peuples du monde épris de liberté.
Relire la mémoire des luttes de ces peuples et celle des coalitions tricontinentales (Asie, Afrique et Amérique latine), cela pourrait constituer un réarmement moral pour les élites organiques et structurantes congolaises soucieuses, aujourd’hui encore, de travailler dans un Internationalisme émancipateur de l’ensauvagement du capitalisme sur le déclin. Il n’est pas sûr que ceux qui, hier, ont voulu exterminer les Indiens, les Juifs, les Chinois, les Russes, etc. puissent devenir, à moins d’un miracle, des alliés des luttants congolais aujourd’hui. Non.
Entretenir la mémoire collective vivante est indispensable à un autre devenir au Congo-Kinshasa. L’amnésie est l’alliée du court-termisme. La lutte pour un autre Congo doit se mener sur le temps long et plonger ses racines dans l’histoire la plus reculée de tous les peuples du monde épris de liberté.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961